Texte
intégral
Le nom du destinaire de la lettre manque
Dourgne, le 22 mai 1939
Monsieur,
Je suis désolée pour vous d'avoir à vous répondre
que tout votre travail est inutile, car ayant l'intention moi-même
de porter
Le grand Meaulnes à l'écran, j'ai déjà
fait le scénario avec le jeune metteur en scène que
j'ai choisi. L'argent seul nous manque, et nous manquera sans doute
longtemps, car ce n'est pas aux uvres passées que vont
les millions.
Je dois peut-être à votre haute admiration pour le livre
de mon frère de vous dire qu'à mon sens le premier devoir
du cinéaste envers ce livre était la fidélité
absolue, la soumission totale, et qu'ainsi il n'y a pas une seule
phrase d'un de vos dialogues inventés que j'eusse pu accepter,
pas plus que la moindre de vos transformations, dont la anodine suffit
à fausser irrémédiablement l'un ou l'autre des
personnages et le sens profond de l'uvre tout entière.
Pardonnez-moi, Monsieur, de vous parler ainsi, mais il me semble que
la première chose que je vous doive ici c'est la vérité
et je ne vois pas d'ailleurs à quoi servirait le contraire.
Je vous prie cependant de croire à mon regret que cette vérité
ne vous soit pas plus douce, et à toute ma sympathie.
Isabelle Rivière
Je vous retourne votre envoi par même courrier
Lettre d'Isabelle Rivière.