Le destin de M. Saft
Nouvelle

  • Rédaction
    [ ? ].


  • Manuscrit
    [ ? ].


  • Publication d'une préoriginale
    Dans l'hebdomadaire « Gringoire », n° 624 du 21 novembre 1940 ; p. 4.







    Le destin de M. Saft, 1940.
    Publication en préoriginale.



  • Edition originale
    In Œuvres complètes, tome 26 (Lausanne, Editions Rencontre, 1969).


  • Réédition(s) en français

    [En préparation].


  • Edition(s) collective(s) en français
    Liste non exhaustive

    In Tout Simenon (Paris, Presses de la Cité, 1988-1993) - tome 22.
    In Tout Simenon (Paris, Omnibus, 2002-2004) - tome 22.

    Le destin de M. Saft
    est l'un des treize textes recueillis sous le titre Nouvelles introuvables, 1936-1941.



  • Traduction(s)
    Liste non exhaustive

    En allemand :
    [ ? ] : [ ? ].

    En anglais :
    [ ? ] : [ ? ] (première édition américaine).
    [ ? ] : [ ? ] (première édition anglaise).

    En italien :
    [ ? ] : [ ? ].


  • Intrigue
    M. Saft, Juif polonais et célibataire d'âge mûr, habite rue de Turenne (Paris, France), un appartement de trois pièces, très propre, aux meubles neufs et coquets. C'est la concierge qui fait le ménage et remet à chaque fois le moindre bibelot à sa place.

    Il a fui Vilna, où il était né, dans un train de marchandises, alors qu'il avait treize ans. Il est resté quatre ans à Varsovie, puis s'est exilé à Paris. Quai de Javel, il a trouvé gîte et couvert dans une petite pension tenue par une Belge, Mme Van Osten. Il se souvient encore de sa fille, Elisa, dont il avait envie et qui — la nuit — allait rejoindre un autre locataire, un Russe nommé Bogdanovski. Il les écoutait, l'oreille collée à la cloison…

    Pendant cinq ans, Saft a travaillé pour des messageries de journaux et économisé — sou après sou — la somme de deux-mille francs. Il a créé les Editions Optima qui diffusent — sous pli discret — des ouvrages mal imprimés, sur du mauvais papiers, mais dont les titres sont suggestifs. Avec Mme Pourcel (quarante ou quarante-cinq ans) — qui fait à la fois fonction de femme de ménage, de magasinière et d'employée — il emballe des ouvrages à longueur de journée, après avoir ouvert des lettres et enregistré les mandats qu'elles contiennent.

    Un après-midi de décembre, Saft consulte trois médecins différents et apprend qu'il est atteint d'une angine de poitrine. Son espérance de vie est courte : six mois, peut-être un an à la rigueur… Il s'était toujours douté que cela arriverait un jour et maintenant, ça y était ! Plus que de mourir, c'est la peur de se retrouver seul qui l'effraie. De retour au bureau, il propose à Mme Pourcel de venir dormir chez lui. Elle refuse, car elle a un fils dont elle doit s'occuper.

    Comme d'habitude, Saft dîne rue Bondy, dans un prix fixe où il a sa table et sa serviette. Il rentre ensuite rue de Turenne, mais le vide de son appartement ne lui est pas supportable. Il se rend alors dans une brasserie de la place de la République, puis dans un bar de Montmartre et enfin, à une heure du matin, dans un café au coin des Grands Boulevards. Il avise une prostituée, blonde et grasse, aux hanches massives, qu'il suit dans sa chambre. Au matin, il hèle un taxi et demande qu'on le conduise quai de Javel.

    Voilà vingt ans qu'il n'y était pas retourné. Il reconnaît néanmoins la maison, près des messageries de journaux, mais la pension n'existe plus ; c'est devenu un bar. Une femme énorme rince des verres… Elisa. Elle a maintenant trois filles (l'aînée a seize ans), mais pas de mari : pour ne pas l'avoir toute la journée sur le dos.

    Mme Van Osten est morte il y a longtemps. Elisa ne fait pas de location, mais elle consent à loger Saft dans la mansarde. Pour autant que ça ne dure pas ! Saft est heureux d'être accepté et d'avoir autour de lui un petit monde intime. Un jour, il raconte sa maladie à Elisa, sa solitude, ses deux-cent-mille francs d'économies en banque. Comme il n'a personne à qui laisser sa fortune, il a pensé qu'elle voudrait peut-être bien l'épouser… Pour ce qu'il lui reste de temps vivre… La grosse femme éclate de rire et refuse de discuter plus avant.

    Une semaine plus tard, elle le relance et le mariage a lieu. Mais Saft ne meurt pas et doit régulièrement s'en excuser. Deux ans plus tard, c'est Elisa qui part la première, d'un cancer du sein. Au retour de l'enterrement, la fille d'Elisa marche devant lui. Elle a maintenant dix-huit ans. Saft réfléchit. C'est peut-être délicat, mais enfin rien n'empêcherait que…

    Tandis qu'il rêve à son nouveau projet, un livreur de journaux le bouscule. Saft descend du trottoir et le tram le happe. Au moins, il ne meurt pas comme on le lui a prédit.


  • Sources
    Ouvrages consultés et informations relatives aux recherches bibliographiques.


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