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Rédaction
Nieul-sur-Mer (Charente-Maritime, France), en 1940 [ ? ].
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Manuscrit
[ ? ].
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Publication d'une préoriginale
Dans l'hebdomadaire « Gringoire », n° 620 du 24 octobre
1940 ; p. 4.
Le doigt de Barraquier, 1940.
Publication en préoriginale.
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Edition originale
In Le
bateau d'Emile (Paris, Gallimard, N.R.F., 1954).
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Réédition(s)
en français
[En préparation].
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Edition(s) collective(s)
en français
Liste non exhaustive
In uvres
complètes (Lausanne, Editions Rencontre,
1967-1973) - tome 26.
In Tout
Simenon (Paris, Presses de la Cité,
1988-1993) - tome 25.
In Tout
Simenon (Paris, Omnibus, 2002-2004) - tome
25.
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Traduction(s)
Liste non exhaustive
En allemand :
[ ? ] : [ ? ].
En anglais :
[ ? ] : [ ? ] (première édition américaine).
[ ? ] : [ ? ] (première édition anglaise).
En italien :
[ ? ] : [ ? ].
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Intrigue
La Boule-Rouge, à Nevers (Nièvre, France). L'homme
s'est accoudé au bar après s'être hissé
sur un haut tabouret. Il a allumé une cigarette, commandé
un Honolulu et contemplé autour de lui la salle à
peu près vide ; c'est un mauvais jour, comme tous les lundis
Charlotte, qu'il avait déshabillée du regard tandis
qu'elle se poudrait devant un miroir, s'est approchée :
Vous m'offrez un petit verre ?
Non, ma jolie
Pas un petit verre
Je connais la
musique : de l'eau colorée qu'on me comptera vingt francs et
que tu boiras tandis que je me saoulerai la gueule
Un Honolulu
si tu veux
Charlotte jette un coup d'il à Francis, le patron, qui
lui fait signe d'accepter. Déjà, l'homme lui caresse
le genou. Il vide ses verres d'un trait et pourtant, il n'est pas
ivre. Il est tout jeune, vingt-trois ans à peine. Charlotte
en a presque peur : il a une façon de l'attirer à lui
qui n'admet aucune résistance. Pour peu, dans son impatience,
il l'aurait dévêtue, là, devant les gens. Alors
il tire son portefeuille de sa poche et parlemente avec Francis :
Ouste !... On s'en va
C'est arrangé
Je connais
le truc, tu comprends !
Un instant plus tard, ils sont dans la rue. L'homme marche à
droite de Charlotte. Il glisse le bras sous son manteau et lui palpe
la hanche. L'entraîneuse ne ressent d'abord qu'une gêne
vague
puis se rend compte de quelque chose d'anormal
Mais
quoi ? Chemin faisant, comme il la serre de plus en plus près,
Charlotte comprend, le souffle coupé
Cette gêne
Cette main
Elle s'était demandé ce que cette main
qui lui triturait la hanche avait d'étrange
Eh bien,
maintenant, elle sait
Il y manque un doigt
Cet homme qui palpe sa hanche et l'embrasse sous chaque bec de gaz
; cet homme qu'elle emmène chez elle, rue Creuse, et qui va
dormir dans son lit, c'est Jean Barraquier, l'assassin de la rue Daunou.
Le gigolo qui a tué sa vieille maîtresse dans la baignoire
d'un entresol parisien. Depuis huit ou dix jours, la police le recherche
dans toute la France. Il lui manque l'index de la main gauche, c'est
grâce à cela qu'on l'a indentifié
Et il
est là, à Nevers, frais et désinvolte, sans autre
souci apparent que d'étreindre avidement sa compagne d'un soir.
Tu ne me croiras sans doute pas
Jamais de ma vie, je
n'ai eu autant envie d'une femme que de toi
Charlotte aurait voulu appeler au secours, courir au poste de police,
mais elle a souri, malgré elle, et fermé les yeux
Jamais, elle n'avait vu un homme en proie à une telle fièvre
amoureuse. A La Boule-Rouge, Barraquier avait l'air d'un homme
: il crânait et prenait des attitudes catégoriques. Au
lit, seul avec elle, c'était un gosse exacerbé, qui
avait fini par s'endormir tout d'un coup, une joue brûlante
sur son sein.
Charlotte ne sait pas si elle a dormi. Peut-être un demi-sommeil
entrecoupé de trous plus sombres. Le réveil marque neuf
heures. Barraquier dort encore, la bouche entrouverte, un bras hors
du draps. Le bras gauche, dont la main pend par terre, la main à
l'index coupé. Elle se lève, avec des précautions
infinies, enfile une robe prise au hasard et descend dans la rue.
Elle sait où est le poste de police : elle y a été
conduite un soir de grabuge à La Boule-Rouge
Mais
il pourrait croire que
Alors elle entre dans une crèmerie,
achète un quart de beurre, des ufs, du fromage et retourne
chez elle.
Avant d'ouvrir la porte, elle se donne le temps de prendre un air
naturel. Il est là, tout habillé, le dos à la
fenêtre et la regarde s'avancer. Il paraît fatigué,
soucieux. Il a allumé une cigarette qu'il fume sans goût.
Charlotte a peur. Il remarque sa nervosité, fronce les sourcils,
lui pose des questions. C'est alors que la jeune femme panique et
s'enfuit en criant à l'assassin.
Immédiatement, la police est sur les lieux. Jean Barraquier
se réfugie sur les toits et la traque dure plusieurs heures.
A trois heures de l'après-midi, il finit par se rendre :
Ça va !... fit-il dédaigneusement. Où
est-elle, la garce ?
Tout le monde s'y trompa, comme lui. Les journaux imprimèrent
: Grâce à la dénonciation d'une entraîneuse
de La Boule-Rouge qui
Même le président des
Assises, quelques mois plus tard, lui dirait, avec une désinvolture
un peu méprisante :
Le tribunal vous remercie
Est-ce qu'elle pouvait les contredire ? Pourtant, Charlotte n'a pas
voulu dénoncer Jean Barraquier. Seulement, elle avait été
saisie, en rentrant chez elle, de le voir à contre-jour, les
sourcils froncés et elle avait paniqué
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