Paul Fort
[Sources : Paul
Fort, Biographie
de Paul Fort et L'hommage
de Piers Tenniel.]
Paul Fort naît à Reims (Marne, France) le 1er février
1872. A dix-sept ans, il fonde le Théâtre d'Art (qui
deviendra plus tard le Théâtre de l'euvre et qui,
sous la direction de Lugné-Poe, révélera notamment
Ibsen, Strindberg et Bjrnson ), une scène essentiellement
poétique et symboliste. On y joue Marlowe, Maeterlinck, Mallarmé,
Verlaine, etc.
Bien qu'inconnu, sans expérience et presque sans ressources,
Paul Fort entretient pendant près de quatre ans son entreprise
théâtrale, dépourvue de luxe mais suscitant
l'enthousiasme et les bonnes volontés. Ses décorateurs
s'appellent d'ailleurs Maurice Denis, Gauguin, Bonnard, Séruzier
!
Paris et l'Ile-de-France éveillent et nourrissent le sentiment
poétique de Paul Fort, en même temps qu'ils déterminent
son goût pour l'originalité. Entre 1893 et 1895, il
publie une série de petites plaquettes de vers aux titres
singuliers que les bibliophiles conservent précieusement
comme des raretés : Plusieurs choses, Monnaie de fer,
Presque les doigts aux clefs, puis un volume, appelé
encore plus étrangement : Il y a là des cris.
La dédicace de ce livre est probablement ce qu'il contient
de plus remarquable : Très modestement, je dédie
à Henri de Régnier ce dernier cahier d'ébauches.
Voilà qui montre une sûre critique de soi-même
!
Désormais il existe un style intermédiaire entre
la prose et le vers français, un style complet, qui semble
unir les qualités contraires de ses deux aînés
Pierre Louÿs, à propos de l'uvre
de Paul Fort
En 1897, paraît au Mercure de France, le premier volume des
Ballades françaises. Reprenant les thèmes éternels
de la poésie (l'amour et la mort) et s'inspirant de l'histoire
de la France de ses héros et de ses légendes
Paul Fort trouve un ton et une forme (la strophe où
la prose se mêle aux vers sans distinction typographique)
qu'il exploite avec une émouvante continuité dans
pas moins de cinquante-quatre volumes.
Pierre Louÿs, qui préface le premier recueil, définit
les Ballades comme des petits poèmes en vers polymorphes
ou en alexandrins familiers, mais qui se plient à la forme
normale de la prose et qui exigent (ceci n'est point négligeable)
non pas la diction du vers, mais celle de la prose rythmée.
Le seul retour, parfois, de la rime et de l'assonance, distingue
ce style de la prose lyrique.
Par ailleurs, le style imagé et souvent familier de Paul
Fort se prête bien à la chanson (Le Petit Cheval
dans le mauvais temps, par exemple, interprété
par Georges Brassens). Sa poésie a des accents de chanson
populaire et traditionnelle : fantaisiste, légère,
gracieuse, rythmée et enjôleuse, mais aussi naïveté
et esprit fataliste du peuple.
En 1905, Paul Fort crée la revue « Vers et Prose »
qu'il dirige avec Paul Valéry. Jusqu'en 1914, on y trouvera
les uvres des écrivains les plus importants de l'époque
: Laforgue, Jarry, Apollinaire, Carco, Gide, Claudel, etc.
Parallèlement, Paul Fort contribue à lancer
Montparnasse et reçoit, en 1912, le titre de Prince des
Poètes. Sa simplicité et sa gaieté
il a un goût prononcé pour le calembour restent
liés à sa silhouette célèbre. Héritier
de Villon et de Charles d'Orléans, il est considéré
comme le dernier trouvère de France. De toute évidence,
le poète est resté trop en dehors de son époque
pour avoir pu l'influencer. Paul Fort meurt le 20 avril 1960 en
son domaine d'Argenlieu, près de Montlhéry (Essonne,
France). Outre les Ballades, il laisse trois uvres
à caractère historique : Louis XI, curieux homme
(1922), Ysabeau (1924) et Les compères du roi Louis
(1927).
Piers Tenniel dit ceci de Paul Fort :
La meilleure façon d'être d'avant-garde, c'est
de tout contredire, à commencer par l'avant-garde disait,
si j'ai bonne mémoire, Jean Cocteau. Cet aphorisme convient
à merveille pour évoquer la mémoire d'un poète
qui fut contemporain de Tristan Tzara et d'André Breton,
sans pour autant aucunement se sentir entraîné dans
la remise en cause des formes poétiques qu'ils initièrent.
On lui doit en particulier quelques poèmes, qui, mis en musique
par Brassens, témoignèrent que le divorce entre
la poésie et le public dont parlait Robert Desnos, est
loin d'être une fatalité, dans la mesure où
les poètes ne méprisent pas leur lecteur mais veulent,
tout simplement, leur parler. Parce qu'il serait trop simple de
voir en Paul Fort une sorte de chansonnier qui se déguisa
en poète, par la limpidité de sa langue et son
invention, il appartient sans aucun doute au meilleur de notre tradition
poétique, et cela n'est pas un hasard s'il fut, après
son ami Verlaine, désigné comme Prince des Poètes.