Texte intégral
Cher Monsieur,
Au moment où la revue « Audace » perd son
ardent animateur Carlo de Mey et où vous reprenez courageusement
son effort là où il l'a laissé, c'est bien
volontiers que j'adresse à votre publication mon salut
amical et mes vux. Voilà bien longtemps déjà
que la Belgique se distingue par ses revues littéraires
et certaines d'entre elles, justement célèbres,
ont eu une influence bien au-delà de nos frontières
en faisant connaître des hommes devenus illustres. Je me
souviens, pour ma part, avec émotion et reconnaissance,
de Léon Debatty et de sa « Revue sincère »
qui a publié mes premiers et bien modestes écrits.
Que cette tradition continue, à une époque où
l'édition s'industrialise toujours davantage, et où
aligner des caractères d'imprimerie est une dangereuse
aventure, m'emplit à la fois d'étonnement et d'admiration.
Ainsi donc, la petite lumière que les générations
se transmettent ne risque pas de s'éteindre.
Que de noms, parmi vos collaborateurs, qui me rappellent mon
Liège natal y compris le vôtre ! J'aurais
aimer vous envoyer un conte, un article, quelque texte inédit
en témoignage de sympathie, mais il se fait qu'à
force d'écrire des romans depuis bientôt quarante-quatre
ans, je suis aujourd'hui incapable de toute autre forme de littérature.
Je ne vous en souhaite pas moins sincèrement de tenir
et je vous en félicite d'avance.
Croyez à toute ma sympathie attentive.
Georges Simenon.
P.S. Cette lettre est bien brève. Mais ne me reproche-t-on
pas aussi d'écrire des romans trop courts ?