Pierre Mac Orlan
[Sources : Sophie
Delassein, Pierre Mac Orlan, Qui
est Pierre Dumarchay dit Mac Orlan ? et Ganaëlle
Lacroix, Pierre Mac Orlan]
Pierre Mac Orlan s'éteint à Saint-Cyr-sur-Morin (Seine-et-Marne,
France) le 10 mai 1970 et emporte avec lui ses secrets et sa divine
fourberie. Au lendemain de ses funérailles, dépliant
son testament, ses amis découvrent que le défunt n'était
pas si misérable qu'il le laissait entendre. Les droits d'auteur
de ses romans et de ses chansons lui ont, en effet, permis de finir
ses jours plus que dignement. Tous avaient pourtant été
dupes, Armand Lanoux le premier, qui avait réclamé et
obtenu pour lui, en 1965, une aide mensuelle de la Caisse des Lettres
De son vrai nom Pierre Dumarchey, né à Péronne
(Somme, France) en 1882, Mac Orlan ne s'est pas seulement trouvé
un pseudonyme romanesque, il s'est aussi inventé une existence
digne des personnages qui peuplent ses livres. Ami de Max Jacob
et d'Apollinaire, chantre et supporteur de l'équipe de France
de rugby, Mac Orlan racontait volontiers qu'il avait été
orphelin de bonne heure et niait l'existence de son frère
Jean, une tête brûlée dont la vie est en partie
contée dans La bandera et Le quai des brumes,
son chef-d'uvre, que Marcel Carné a adapté au
cinéma. En revanche, il ne se vantait d'avoir écrit,
sous d'autres noms (Sadie Blackeyes, Sadinet, P. du Bourdel, Ludovic
Riézer, Pierre de Jusange, etc.) des dizaines de livres érotiques,
voire pornographiques.
« Je suis devenu écrivain parce que je n'étais
bon à rien »
Après une enfance assez mal connue et restée relativement
mystérieuse, commence une vie de jeune adulte durant laquelle,
Mac Orlan mène toutes les expériences qui nourriront
plus tard les thèmes de son aventure littéraire :
la vie de misère à Montmartre, la Première
Guerre mondiale et les voyages.
Avant de se lancer dans l'écriture, Pierre Mac Orlan tente
de vivre de sa peinture et fréquente les artistes montmartrois.
Il réalise de nombreux dessins légendés et
des historiettes pour des revues de l'époque comme «
Le Rêve »et « La Baïonnette ». C'est
alors qu'il rencontre le dessinateur Gus Bofa, qui illustrera plus
tard bon nombre de ses ouvrages. A la lecture des légendes
qui accompagnent les dessins que Mac Orlan lui apporte, Bofa l'invite
à persévérer
dans l'écriture !
Mac Orlan suit le conseil de son ami, mais illustre lui-même
ses premiers écrits (des contes humoristiques) et, peu à
peu, le dessinateur se transforme en écrivain. A travers
son écriture, on sentira cependant toujours la puissance
des images qu'il a en lui. Mac Orlan devient alors une figure incontournable
de la vie montmartroise au début du XXe siècle et
un familier du Lapin Agile et du Bateau Lavoir. Il
entre dans la légende avec Le quai des brumes et cultive
avec soin le mystère de son personnage, tissant - comme on
l'a compris - une toile de secrets sur l'histoire de sa famille
et de sa jeunesse.
Journaliste, poète et parolier, cet homme à l'incomparable
allure, ce bourlingueur sensible et rude, qui siégea durant
vingt ans à l'Académie Goncourt aux côtés
de ses amis Colette, Dorgelès et Carco, est un génie
du roman d'aventures, à l'image de Stevenson et Kipling qu'il
admirait, un rêveur toujours en partance vers un ailleurs
réel ou imaginaire.
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Pierre Mac Orlan
en 1948,
dessin de Gus Bofa.
Source :
Galerie
de dessins de Gus Bofa. |
Mais Mac Orlan n'est pas à un paradoxe près. A partir
des années 40, il s'installe à Saint-Cyr-sur-Morin et
s'en éloigne de moins en moins ! Son univers campagnard et
paisible devient alors le théâtre de ses expériences
passées, qui sont omniprésentes dans une uvre
qu'il qualifie lui-même de
fantastique social.
C'est donc à Saint-Cyr-sur-Morin - dans un univers tranquille
et pantouflard plus propice au souvenir et au voyage imaginaire,
mais toujours tarabusté par un désir existentiel tourné
vers l'évasion et l'aventure - qu'il écrit la plus
grande partie de son uvre, et qu'il donne, selon la formule
de son ami Georges Brassens, des « souvenirs à ceux
qui n'en ont pas ».
Saint-Cyr-sur-Morin est un lieu qui résume et incarne la
personnalité complexe et contrastée de Pierre Mac
Orlan. Pourtant, au départ, rien ne l'attirait a priori dans
la Vallée du Petit-Morin, lui qui préférait
les villes portuaires et la Bretagne, dont l'atmosphère était
plus propice à ses rêves d'aventures et au mystère
qu'il affectionnait.
Mac Orlan n'imaginait pas qu'il puisse exister une vie après
la vie : "Déjà beau si on ne vous oublie pas
sur la terre une fois crevé ! ». Il laisse cependant
une uvre qui lui épargner l'oubli sur la terre,
comme ses chansons, portées par de grandes interprètes
(Gréco, Morelli, Montero) et racontant la bohème montmartroise,
les quartiers louches, l'atmosphère des ports de l'Océan
peuplés de filles faciles et de marins de passage.