-
Rédaction
« Noland », Echandens (Vaud, Suisse), en décembre
1962 (la nouvelle est datée du 4 janvier 1963).
-
Manuscrit
[ ? ].
-
Publication d'une préoriginale
En feuilleton dans l'hebdomadaire «
Elle » (édition pour
la France), n° 901 et 902 des 29 mars et 5 avril 1963 (soit 2
livraisons) ; illustrations de Fanny Darnat.
Les Nolépitois, 1963.
Publication en préoriginale.
-
Edition originale
Achevé d'imprimer : 4 septembre 1999.
[S. l.], Aux dépends d'un amateur ; 21,7 x 15,3 cm, 56 pages
; couverture de carton léger revêtu d'une jaquette.
14 exemplaires, dont 2 exemplaires sur Oud Holland Van Gelder et 12
exemplaires sur Ingres à la cuve des papeteries de Lana.
Officiellement, Les Nolépitois n'a jamais été
recueilli en volume. En effet, après sa publication dans «
Elle », l'auteur n'a pas autorisé
une nouvelle édition de ce texte. Il n'en existe pas moins
la présente édition, parue pour le dixième anniversaire
du décès de Georges Simenon.
-
Réédition(s)
en français
En feuilleton :
Dans l'hebdomadaire « Elle »
(édition pour la Belgique), n° 902 et 903 des 10 et 17
avril 1963.
-
Edition(s) collective(s)
en français
Aucune.
-
Traduction(s)
Aucune.
-
Remarque(s)
Il s'agit du seul récit de Simenon appartenant au genre fantastique.
-
Intrigue
Ce qu'il convient d'appeler l'événement se produit
à Londres (Angleterre) le 4 novembre. Dès le matin,
le smog - ce brouillard épais et jaunâtre, typiquement
british - s'abat sur la ville. A midi, les passants ressemblent
davantage à des fantômes qu'à des êtres
solides, faits de chair et d'os. A 14 heures, la radio déconseille
aux automobilistes de se risquer sur les routes verglacées.
A 16 heures, les journaux annoncent avec une pointe d'orgueil qu'il
s'agit du brouillard le plus épais depuis 1882. A 17 heures,
on ne voit plus à deux mètres et la nuit tombe.
Le constable (agent de police) Hawkins, en faction à l'angle
de Regent Street et de Picadilly Circus, est le premier témoin
de l'événement. Le soir même, il fait un
récit aussi clair que possible à son supérieur
direct de ce qu'il a vu et entendu, puis il le répète
le lendemain par écrit dans un langage administratif d'une
objectivité remarquable. Enfin, il répond aux questions
d'un important fonctionnaire de Scotland Yard - l'inspecteur-chef
Pinkey - et d'un distingué savant du British Museum - le Dr
Stuart Pemberton - sans jamais se contredire une seule fois.
Hawkins est né dans l'East End, le quartier le plus pauvre
de Londres. Il est fier d'être issu d'une famille de dix enfants,
encore tous vivants et menant une vie décente. Aujourd'hui
âgé de vingt-neuf ans, marié à la blonde
et pâle Mrs Hawkins, il est père d'Isabel, une petite
fille de six ans, et de Denis (dit Jiggs), un bébé de
quatre mois. Avec sa famille, il habite Lampton, non loin de l'aéroport
de Londres, une rue aux cent-cinquante-deux maisons identiques. Professionnellement,
Hawkins est un bon policier, qui exerce son métier avec beaucoup
de conscience depuis huit ans. Il est rattaché au commissariat
de Savile Row depuis six ans.
On l'a dit, l'événement du 4 novembre se produit
à Londres. Très exactement à Picadilly Circus.
Ce qui n'est pas sans poser une question fondamentale, sans qu'on
puisse toutefois espérer lui donner une réponse définitive
: Picadilly Circus est-il ou n'est-il pas le plus grand carrefour
du monde, donc - en quelque sorte - le centre de la terre ? Pour leur
part, les Américains situent ce centre à Times Square,
les Français évoquent le cercle presque parfait tracé
autour de l'Arc de Triomphe et les Asiatiques considèrent Tokyo
comme la ville la plus peuplée et la plus illuminée
de la planète.
L'agent Hawkins - premier témoin de l'événement
- se tient justement à Picadilly Circus, au carrefour de trois
voies d'accès. A cause du brouillard, il est seul à
voir que le feu passe du rouge au vert ou du vert au rouge. Le sifflet
aux lèvres, il décide du déferlement des voitures
et de la course des piétons. Tout dépend de lui, de
son coup d'oeil et de ses brefs coups de sifflet. A supposer que les
lampadaires, les feux de signalisation, les réclames soient
autant d'étoiles et de constellations, que le mouvement des
autobus et des voitures ressemble à la ronde mathématique
des astres autour d'un noyau central, est-il si présomptueux,
pour l'homme placé à l'endroit clé de cette ronde,
de penser qu'il dirige le cosmos ?
Le 4 novembre, à 17 heures, Hawkins aide au passage d'une cinquantaine
de piétons du trottoir sud au trottoir nord. Quand il revient
sur le refuge central, il donne la voie libre aux voitures. C'est
à ce moment là, qu'il voit surgir en face de lui...
à un mètre de lui... une personne de sexe masculin qu'il
prend pour un clochard, à cause de ses vêtements. De
ses haillons serait plus juste. L'homme est tout à la fois
jeune et sans âge. Il interpelle Hawkins et lui demande :
Avez-vous vu ma femme ?
L'individu parle l'anglais sans accent, raison pour laquelle l'agent
de police pense avoir affaire à un étranger. Lorsque
Hawkins s'enquiert de son nom, l'individu lui répond :
Je n'ai pas de nom. Je suis un Nolépitois.
Il dit ensuite venir du lac - du fond de celui-ci - sans toutefois
préciser de quel lac il s'agit. Un peu comme s'il ne pouvait
en exister un seul. Hawkins remarque alors que ce qu'il a considéré
tout d'abord comme étant des cheveux sont en réalité
des algues. Bien que troublé au plus profond de lui-même
par cette aventure, à aucun moment Hawkins n'a pris l'individu
pour un fou. Celui-ci fait le tour du carrefour et revient sur l'îlot
central ; il tourne en rond - cherchant sa femme - comme si Picadilly
Circus était un monde sans issue.
Les supérieurs de Hawkins accordent de l'importance à
son témoignage et font paraître dans le journal une annonce
invitant toutes personnes qui, le 4 novembre, se seraient trouvées
en contact avec des Nolépitois, hommes ou femmes, à
prendre contact avec Scotland Yard.
Nathalie Poole, septante-deux ans, apporte un deuxième témoignage.
Elle aussi a vu surgir une personne à moins d'un mètre
d'elle. Il s'agit d'une femme. Elle porte un manteau clair, genre
imperméable, et un béret foncé. Elle demande
à la vieille dame si elle peut lui dire où se trouve
le lac. Celui de Hyde Park, de Regent's Park, de St-James ? Elle aussi
parle du lac comme s'il n'y a en a qu'un seul. Elle recherche un homme
qui est parti en premier du lac, alors qu'elle n'avait pas fini avec
ses écailles, et tend ses mains à Nathalie Poole. En
dépit du brouillard, celle-ci voit distinctement qu'elle ne
porte pas gants, mais de fines écailles argentées aux
reflets roses. Une algue - une seule, encore humide et souple, pend
près de son oreille.
La Nolépitoise recherche l'homme parti avant elle, car il est
essentiel qu'ils soient deux. C'est ce que confirmera un troisième
témoignage. Sir Cyril C. Webb, soixante-cinq ans, l'un des
derniers Londoniens à porter le monocle et l'un des critiques
de théâtre les plus influents de son temps. Alors qu'il
se rend dans un bar de Drury Lane, fréquenté par des
gens de théâtre, pour y boire son premier scotch de la
soirée, il rencontre à son tour la jeune femme aux mains
d'écailles et à l'algue au-dessus de l'oreille. Elle
le prend pour le grand chef et lui demande s'il n'a pas vu son mari.
Tous deux étaient prisonniers au fond d'un lac. Ils n'en souffraient
pas, mais il était indispensable qu'ils soient deux. Partout
où ils se trouvent, les Nolépitois doivent être
deux.
Un témoin encore se présente dans les bureaux de Scotland
Yard. Son aspect est banal et rassurant : il est vêtu de sombre
et coiffé d'un chapeau melon. Josef Zipnick est gardien de
nuit dans une banque d'Oxford Street, à la satisfaction de
ses employeurs. L'événementdu 4 décembre
? Il y était. Quoi de plus normal pour un... Nolépitois
! Il possède bien un passeport, délivré par les
autorités de Nolépitie, mais il lui a été
volé peu après son arrivée dans le Royaume-Uni,
où il est venu contraint à l'exil lorsqu'Hitler puis
Staline ont envahi son pays. Il espère que son pays aux cent-nonante-deux
lacs sera bientôt rendu à la liberté.
L'enquête de Scotland Yard s'arrête là. Officiellement
du moins... Le Dr Pemberton, lui, va trouver Hawkins directement chez
lui, dans sa petite maison de Lampton et lui laisse entendre que les
Nolépitois seraient des êtres... en quelque sorte surnaturels
; des Coelacanthidae qui auraient vécu il y a deux cents millions
d'années sur notre globe et dont il fallait bien, un jour,
s'attendre à ce qu'ils réapparaissent...
Enfin, ce même Dr Pemberton, au Reform Club, s'entretient
de l'événement du 4 novembre avec Sir Cyril C.
Webb. Tous deux arrivent à la conclusion que le fait le plus
important consiste à savoir si, dans le décor clos de
Picadilly Circus, l'homme et la femme ont fini par se retrouver.
Pour cela, on ne possède qu'un seul témoignage. Celui
d'un très vieil homme qui, depuis des temps immémoriaux,
vend des journaux à l'angle de Haymarket. Il assure les avoir
vus. Lui, comme bondissant dans ses guenilles. Elle, avec son béret
et son imperméable jaune. Le vieillard affirme qu'ils ne se
sont pas rencontrés. Tout d'un coup, ils ont été
ensemble. Et ils ont marché du même pas, à la
même cadence, comme s'ils avaient toujours marché ensemble.
Dans quelle direction ?
Dans aucune direction... Ils sont sortis du cercle,
simplement. Tout ce que je puis affirmer, c'est qu'ils étaient
ensemble...
Apporter une information complémentaire
ou une correction : cliquer
ici
|
|
|
|
|
|