Sous peine de mort
Nouvelle

  • Rédaction
    « Coral Sands », Bradenton Beach (Floride, U.S.A.), texte achevé le 24 novembre 1946.


  • Manuscrit
    [ ? ].


  • Publication d'une préoriginale
    Aucune [ ? ].


  • Edition originale
    In Maigret et les petits cochons sans queue (Paris, Presses de la Cité, 1950).


  • Réédition(s) en français
    Liste non exhaustive

    En revue :

    Dans l'hebdomadaire « Ici Paris », n° 901 du 2 mai 1957 ; illustrations de René Caillé.





      Sous peine de mort, 1957.
    Réédition.


  • Edition(s) collective(s) en français
    Liste non exhaustive

    In Œuvres complètes (Lausanne, Editions Rencontre, 1967-1973) - tome XXV.
    In Tout Simenon (Paris, Presses de la Cité, 1988-1993) - tome 4.
    In Tout Simenon (Paris, Omnibus, 2002-2004) - tome 4.


  • Traduction(s)
    Liste non exhaustive

    En allemand :
    [ ? ] : [ ? ].

    En anglais :
    [ ? ] : [ ? ] (première édition américaine).
    [ ? ] : [ ? ] (première édition anglaise).

    En italien :
    [ ? ] : [ ? ].


  • Adaptation(s) pour la télévision
    Liste non exhaustive

    Sous peine de mort, téléfilm suisse romand de Gilbert Bovay.
    Adaptation et dialogues : Gilbert Bovay.
    Avec : Jean-Roger Caussimon, Robert ScORidt, William Jacques, Monique Mani, Doris Reiner, Gérard Carrat, André Pache, P.-H. Wild, Jeanne Talbot…
    Première diffusion : SSR (Suisse romande), le 2 juin 1960.


  • Intrigue
    A Porquerolles (Var, France), où il possède sans doute la plus belle maison de l'île, Oscar Labro (cinquante ans) reçoit une carte postale d'Addis-Abéba :

    On finit par se retrouver, crapule. Sous peine de mort, te souviens-tu ? Ton vieux : Jules.

    Est-ce que le facteur avait lu la carte ? Et la postière, Mlle Marthe ? Certainement, puisque, quinze jours plus tard, en lui donnant son courrier, elle lui dit le plus naturellement du monde :

    — Tiens ! C'est du fou…

    La nouvelle carte vient de Djibouti :

    Espère, mon cochon. On se reverra un jour. Sous peine de mort, tu comprends. Bien le bonjour de : Jules.

    La troisième carte postale arrive un mois plus tard : son expéditeur s'est rapproché car elle est datée de Port-Saïd :

    Je ne t'oublie pas, va ! Sous peine de mort, mon vieux. C'est le cas de le dire, pas vrai ? Ton sacré : Jules.

    Labro cesse alors de se lever à cinq heures du matin pour aller à la pêche. De Port-Saïd à Marseille, il n'y a guère que quatre ou cinq jours de navigation. Et de Marseille à Porquerolles, on en a pour quelques heures seulement, par le train ou par l'autocar. Désormais, on le voit sortir de chez lui vers huit heures, en pyjama et les pieds nus dans ses savates. En fumant sa première pipe, il traverse la place du village — l'une des plus ravissantes du monde — et descend vers le port. Mais son bateau, l'Armoire à Glace, y reste amarré. Chaque matin, de son œil unique — il a perdu l'autre à la suite d'un accident — Oscar scrute l'horizon et attend l'arrivée du Cormoran, qui assure la liaison entre la pointe de Giens et l'île. Puis, il suit la brouette du facteur pour être le premier servi à la poste.

    La quatrième carte postale se fait attendre près de six mois et vient d'Alexandrie. Les autres seront postées d'Italie et du Portugal, puis de Bordeaux, de Boulogne et enfin d'Anvers.

    Et un matin, tandis que Labro est sur le port, il a la certitude que Jules est à bord du Cormoran. Son instinct ne le trompe pas. Un homme grand et large, puissant, mais empâté, met pied à terre. Pour se déplacer, tout son côté droit se soulève d'un même bloc qu'il laisse retomber ensuite ; on comprend alors que c'est un pilon de bois qui martèle ainsi le sol de la jetée.

    — Salut, Oscar ! Je suis venu, tu vois !

    Jules et Labro se font face. Ils sont sensiblement de la même taille et du même âge ; ils ont le même accent, celui du Midi. Autour d'eux, les gens regardent. Ils les regardent tous les deux, l'homme à l'œil unique et l'homme à la jambe de bois. Et ils sentent confusément qu'ils ont un compte à régler entre eux.

    Oscar présente Jules comme un vieil ami - mieux qu'un ami, un frère - et l'installe à l'Arche de Noé, dans une chambre qui donne sur la place. Et tous les matins, ils se retrouvent sur la terrasse de l'hôtel et boivent du vin blanc. A midi, ils sont ivres ; et l'après-midi, ils jouent aux boules. C'est Jules qui donne les ordres. Oscar ne fait que répondre aux exigences de son ami. Car il a une dette envers lui. Une ardoise qui a près de trente ans, alors que tous les deux se trouvaient — pour leur compagnie respective et sans se connaître le moins du monde — dans les marais d'Umbolé, au Gabon.

    Chargé du ramassage de l'huile de palme, Labro naviguait dans la forêt équatoriale, accompagné par un cuisinier et deux pagayeurs. Deux nègres. Des Pahouins, dont il ne supportait pas l'odeur. Tandis qu'il étouffait sous sa moustiquaire, il aperçut une pirogue entre les racines d'un palétuvier. Et sur celle-ci, un écriteau :

    Défense de chiper cette embarcation, sous peine de mort. Signé : Jules.

    Non seulement, Labro prit la pirogue, mais il répondit à l'injonction de l'inconnu. Sur la pancarte même, qu'il avait laissée bien en évidence, il avait écrit :

    Je t'emmerde ! Et il avait signé bravement : Oscar Labro.

    Pour sortir de ces marais infestés de crocodiles, de serpents et d'araignées, Jules avait laissé une jambe. Et s'il est là aujourd'hui, c'est pour honorer sa promesse : sous peine de mort, avait-il dit ! Mais avant, il profite de l'hospitalité de hôte, tout en s'interrogeant — avec lui — sur la manière de le tuer. Bien sûr, Labro a essayé de négocier, mais en vain. Il a même souhaité être liquidé tout de suite, pour en finir avec cette désagréable comédie. Puis il s'est mis à réfléchir avec Jules : si celui-ci trouve un moyen de le tuer sans que cela passe pour un crime, pourquoi ne serait-il pas capable, de son côté, de faire pareil ?

    Jules ayant voulu apprendre à pêcher, les deux hommes ne passent plus leur matinée sur la terrasse de l'Arche de Noé, mais à bord de l'Armoire à Glace. Ce qui ne les empêche pas d'ingurgiter la même quantité de vin blanc. Et un matin, Oscar se jette sur Jules. Au terme de leur empoignade, ils tombent tous deux à l'eau et le bateau chavire. Un pêcheur et ses deux fils viennent à leur secours, mais pour Jules, il est trop tard. Personne n'a vraiment vu ce qui s'est réellement passé sur l'Armoire à Glace ce matin-là. Sauf Oscar Labro, bien sûr. Les témoignages de Vial, le pêcheur, et du gardien du phare, qui a observé la scène avec ses jumelles, sont favorables à Oscar. Même la police le félicite de s'être défendu contre cet individu, qui abusait sans vergogne de sa générosité.

    Désormais, on ne parlera plus de cette crapule et nul ne pleurera Jules Marelier, recherché par cinq pays au moins pour escroqueries. Au nom de Marelier, Oscar trésaille et demande des renseignements. Non, l'homme ne porte pas le patronyme de Chapus. Oui, il a vécu vingt ans en Afrique, mais il n'a jamais mis les pieds au Gabon. Non, il n'a pas perdu sa jambe dans les Marais d'Umbolé, mais à Fresnes, lors d'une tentative d'évasion.

    — Alors, ce n'est pas lui ! Ce n'est pas le même Jules…

    On croit que Labro, sous le coup de l'émotion, se sent mal. On l'alite et il délire. Des cauchemars. Et toujours deux Jules… Mais Labro sait qu'il a eu peur pour rien, qu'il a tué pour rien.

    Tout cela parce qu'un escroc avait entendu, Dieu sait où, des coloniaux raconter l'histoire de la pirogue, l'histoire du vrai Jules Chapus, qui était mort quinze ans après l'Umbolé, en Indochine où sa compagnie l'avait envoyé.

    Tout cela parce que cet escroc, un jour, avait mis la main par hasard sur « Le Petit Var » et y avait lu le nom d'Oscar Labro et que, fatigué d'être pourchassé par la police, cela lui avait donné l'idée d'aller finir ses jours en paix dans l'île de Porquerolles…




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