Menaces de mort
Nouvelle

  • Rédaction
    Château de Terre-Neuve, Fontenay-le-Comte (Vendée, France), durant l'hiver 1941-1942 [ ? ].


  • Manuscrit
    [ ? ].


  • Publication d'une préoriginale
    En feuilleton dans l'hebdomadaire « Révolution nationale », n° 21-26 du 8 mars au 12 avril 1942 (soit 6 livraisons).


  • Edition originale (publication posthume)
    In Tout Simenon, tome 25 (Paris, Presses de la Cité, 1992).


  • Réédition(s) en français
    Liste non exhaustive

    Edition illustrée :
    Achevé d'imprimé : septembre 2001.
    Paris, Omnibus ; 20 x 13 cm, 102 pages ; illustrations de [Jacques de] Loustal, couverture illustrée en couleurs (Loustal).
    Collection « Carnets ».


     

    Menaces de mort, 2001.
    Réédition.



  • Edition(s) collective(s) en français
    Liste non exhaustive

    In Tout Simenon (Paris, Omnibus, 2002-2004) - tome 25.



  • Traduction(s)
    Liste non exhaustive

    En allemand :
    [ ? ] : Der Drohbrief.

    En anglais :
    1998 : Death Threats [ ? ].

    En italien :
    Nouvelle inédite en Italie.


  • Intrigue
    Un matin de juin, le directeur de la P. J. appelle le commissaire Maigret dans son bureau du Quai des Orfèvres (Paris, France) et lui présente son visiteur. Il s'agit d'Emile Grosbois (cinquante-trois ans), le fameux marchand de chiffons et de ferraille de la rue du Chemin-Vert, dans le quartier de la Bastille. L'homme a usé des relations qu'il entretient avec un conseiller municipal pour être reçu aussitôt par les plus hautes instances de la police.

    Les frères Grosbois — Emile et Oscar sont célibataires et jumeaux — vivent avec leur sœur aînée, Françoise Paget, veuve depuis dix ans, et ses deux enfants (Henri, vingt ans, et Eliane, dix-huit ans). Ils sont à la tête d'une fortune estimée à quelque trente millions de francs. Si Emile recourt à la protection des forces de l'ordre, c'est qu'il a reçu une lettre anonyme le menaçant d'être tué dimanche, lorsqu'il passera son week-end à Coudray, sur les bords de la Seine, près de Corbeil, avec les siens. Maigret accepte de se charger de la surveillance d'Emile Grosbois et de l'accompagner à Coudray.

    Auparavant, le frère d'Emile, Oscar demande à voir le commissaire et le reçoit dans la maison familiale. Il tient à lui dire qu'il trouve son frère bizarre depuis quelque temps. Il ne serait d'ailleurs pas surpris qu'Emile ait écrit lui-même la lettre de menaces de mort, en raison de ses lubies et de sa manie de la persécution.

    Le samedi venu, les frères Grosbois accueillent Maigret à la gare de Coudray. Leur villa est toute proche. Les deux hommes sont de petite taille, chafouins et roussâtres. Ils ne cessent de clamer qu'ils n'ont jamais fait de mal à personne, épient les réactions de Maigret et s'observent mutuellement. Ils sont riches, mais tristes. Seule leur nièce, Eliane, respire la vie et la santé. C'est une fille aux formes longues et robustes, plutôt excentrique et sans le moindre complexe.

    Les Grosbois cherchent à donner à Maigret l'image d'une famille paisible mais, dès le repas de midi, les masques tombent. Emile — qui prend des médicaments pour tout et rien — se montre nerveux et irrité par tout ce que font les autres. Il réprimande Eliane parce qu'elle est magnifiquement impudique dans son maillot de bain. Il se dispute avec son frère qui lui reproche sa manie d'avaler cachets sur pilules. Il rudoie sa sœur et se félicite de la mort de son mari, un homme qui courait les femmes et qui ne l'avait épousée que pour son argent. Il se fâche contre Henri, son neveu, arrivé en retard pour le déjeuner parce qu'il joue les gigolos avec une théâtreuse, déjà entretenue par un tiers ! S'il le faut, Emile n'hésite pas à gueuler. Et Oscar de faire signe, discrètement à Maigret, qu'il ne se trompe pas sur la demi-folie de son frère. Bref, chez les Grosbois, on cultive la haine comme ailleurs les vertus bourgeoises.

    Malgré le beau temps, l'atmosphère chez les Grosbois est pesante. On s'ennuie, mais on est là par principe ; parce qu'on a une maison de campagne et qu'on a décidé, une fois pour toutes, que la famille entière passerait ses week-ends dans cette propriété !

    Le déjeuner du dimanche se révèle plus soigné que la veille. Pour ne pas heurter son oncle et éviter une nouvelle scène à sa mère, Eliane porte une robe de toile blanche, sous laquelle elle est nue. On découvre tout son corps en transparence quand elle se dresse dans le soleil. Au milieu du repas, Emile se lève et rappelle à chacun que le meurtrier a promis de frapper avant six heures et que, jusque-là, il est hors de question que les membres de la famille se séparent, prenant soin de préciser qu'il ne soupçonne personne et tout le monde.

    Dès lors, tout le monde reste sur la terrasse, autour d'Emile qui se tient raide dans son fauteuil de jardin et dont le regard féroce va sans cesse de l'un à l'autre. Il est quatorze heures. Il y a par conséquent quatre heures à passer, dans une immobilité assez semblable à celle d'un voyage en train. Seulement, il ne faut pas compter sur le défilé du paysage ni sur les plaisirs de la conversation.

    Au milieu de l'après-midi, la nervosité commence à poindre. Le premier à craquer est Henri. Maigret — qui a deviné dès le début que le jeune homme consomme de la cocaïne — se doutait bien que celui-ci aurait besoin d'une dose et qu'il ne tiendrait pas jusqu'à six heures. Henri s'est levé ; il a traité son oncle de fou et a quitté la terrasse.

    A cinq heures, la tension est à son comble. Emile Grosbois n'est pas loin de s'en prendre à Maigret. Il accuse son entourage de l'avoir toujours détesté et de ne pas s'en cacher. Il prend un nouveau cachet pour soigner sa présumée maladie du cœur. Une demi-heure plus tard, il glisse dans son fauteuil, plus raide que jamais. Un râle régulier s'échappe de sa bouche. Le commissaire se précipite sur Emile. Il est exsangue. Avec une cuillère, en lui tenant la tête penchée en avant, Maigret parvient de justesse à faire hoqueter, puis vômir Emile. Non loin de là, les cloches d'une église sonnent ironiquement six heures…

    Plus tard, Oscar avoue à Maigret être l'auteur de la lettre anonyme. Après avoir convaincu son frère qu'il était malade et poussé à prendre toutes sortes de pilules, il l'a vainement incité à prendre du repos à la montagne. S'il tenait tant à ce qu'Emile quitte Paris, c'est parce qu'il ne supporte plus sa tutelle et qu'il a envie de prendre un peu de bon temps avec Babette, la bonne de la famille. Et peut-être même, l'épouser un jour.

    Oscar n'aurait cependant jamais été jusqu'à tuer son frère. Si la farce a failli tourner à la tragédie, c'est à cause d'Henri. Il avait compris ce que cherchait Oscar et que c'était lui, l'auteur de la lettre anonyme. Alors il a glissé une boulette de cocaïne dans les cachets d'Emile…

    Au cours de la nuit, la police retrouve Henri dans un caboulot de Montmartre. Il est ivre et a absorbé une grosse quantité de drogue. Il a été transféré à l'hôpital. S'il a quitté précipitamment la terrasse vers quatre heures, c'est qu'il n'avait pas le courage d'assister en direct à l'agonie de son oncle.

    A contre-cœur, Maigret rédigera son rapport : il sait déjà que l'affaire est close : Emile ne portera pas plainte contre Henri, trop effrayé à l'idée des débats publics qui pourraient avoir lieu aux Assises.


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