Une erreur de Maigret
Nouvelle

Les nouvelles enquêtes du commissaire Maigret
[1936] ; [08]

  • Rédaction
    Boulevard Richard-Wallace 7, Neuilly-sur-Seine (France), en octobre 1936,


  • Manuscrit
    [ ? ].


  • Publication d'une préoriginale
    Dans le quotidien « Paris-Soir-Dimanche » (supplément), n° 54 du 3 janvier 1937 ; p. 16 ; illustrations (photos non signées).
    Série « Les nouvelles enquêtes du commissaire Maigret ».




       


      Une erreur de Maigret, 1937.
    Publication en préoriginale.


  • Edition originale
    In Les nouvelles enquêtes de Maigret (Paris, Gallimard, NRF., 1944).


  • Réédition(s) en français
    Liste non exhaustive

    [En préparation].


  • Edition(s) collective(s) en français
    Liste non exhaustive

    In Œuvres complètes (Lausanne, Editions Rencontre, 1967-1973) - tome IX.
    In Tout Simenon (Paris, Presses de la Cité, 1988-1993) - tome 24.
    In Tout Simenon (Paris, Omnibus, 2002-2004) - tome 24.


  • Traduction(s)
    Liste non exhaustive

    En allemand :
    [ ? ] : Hier irrt Maigret.

    En anglais :
    1978 : Maigret's Mistake (première édition américaine).
    1978 : Maigret's Mistake (première édition anglaise).

    En italien :
    1962 : Un errore di Maigret.


  • Remarque(s)
    Une erreur de Maigret est un récit complet. Cette nouvelle n'intervient donc pas dans le concours hebdomadaire de « Paris-Soir-Dimanche », lancé le 25 octobre 1936 avec L'affaire du boulevard Beaumarchais.

    Dans ce n° 54 de « Paris-Soir-Dimanche », il est précisé que le concours est terminé. La liste des gagnants accompagne d'ailleurs la publication de la nouvelle Une erreur de Maigret.


  • Intrigue
    La jeune Emilienne, vendeuse à la Librairie Spéciale, 27 bis rue Saint-Denis (Paris, France), est retrouvée morte dans la cave du magasin après avoir absorbé huit comprimés de somnifère. Son patron, Eugène Labri (quarante-cinq ans) affirme n'avoir rien vu et, en quittant son commerce, vers dix-heures, ne s'être pas rendu compte que son employée n'était pas à son poste.

    La Librairie Spéciale se situe entre une charcuterie et un salon de coiffure. C'est une boutique étroite, toute en profondeur, presque un couloir, dans laquelle on vend des ouvrages chers et érotiques, dont les couvertures suggestives sont entourées de cellophane pour en épaissir le secret…

    Le lendemain du drame, l'après-midi, pendant plus de trois heures, le commissaire Maigret interroge le libraire. C'est le Maigret des mauvais jours, celui qui est écœuré et quasi sournois à force de dégoût ; celui à qui, personne, au Quai des Orfèvres, n'ose adresser la parole.

    En face de lui, Labri, un Français né au Caire ou à Port-Saïd, est un homme gras, aux yeux sombres et brillants, obséquieux, lâche, veule et vicieux. Un indic de surcroît, une petite crapule lâche et bourgeoise qui lui fait des salamalecs. Maigret soupçonne Labri d'avoir empoissonné Emilienne, dont il ne croit pas au suicide. C'est le journal intime de la victime qui le conduit à cette hypothèse. Dans les pages écrites par Emilienne, elle évoque son amour pour son patron, qu'elle désigne ouvertement comme son amant.

    Vers dix-sept heures, Maigret appelle un taxi et se fait conduire, avec Labri, à la Librairie Spéciale. Dans la vitrine, une publicité indique aux amateurs de littérature érotique qu'ils seront accueillis et conseillés par Mlle Emilienne elle-même. Maigret demande à voir le bureau de Labri. Il est équipé d'une glace sans tain qui permet au libraire de voir comment la vendeuse s'y prend avec ses clients.

    Un sale type ! Un saligaud, oui ! Mais un saligaud prudent et armé du Code. Maigret aurait mille fois préféré s'occuper d'un de ces petits gars pourris qui descendent une concierge ou dévalisent une débitante, ou d'un vrai cambrioleur, un de ceux qui savent leur métier et qui y apportent une sorte de conscience professionnelle… Mais ce Labri ne lui inspire que du mépris. A un moment, le commissaire est prêt à le frapper pour le faire avouer. Son geste reste suspendu par la sonnerie du téléphone. C'est le brigadier Lucas qui l'appelle et l'informe des conclusions du médecin légiste après l'autopsie. Emilienne était encore vierge.

    Maigret comprend brusquement qu'il s'est trompé. C'est encore pis que ce qu'il avait pensé. Certes Labri n'est pas responsable, il n'a pas tué. Mais c'est bien à cause de lui qu'Emilienne est morte.

    Emilienne, la naïve, la vraie jeune fille, à laquelle son patron a fait croire qu'on pouvait être amants sans se toucher. Emilienne ne savait pas ; elle ne connaissait rien de la vie. Emilienne, la poule aux œufs d'or, l'ignorante… Quand elle vendait ses livres et que son patron l'observait derrière son judas, elle avait besoin de toute son innocence… pour jouer les innocentes ! Pour que le commerce marche bien ! Pour être plus vraie que nature ! Plus bête que nature ! Pour que les habitués, à défaut d'user d'un autre terme plus en rapport avec son état physique, la désignent comme vraiment ignorante…

    Emilienne n'était donc pas la maîtresse de Labri. Son rôle était de servir d'appât à des messieurs en mal d'excitation, qu'elle émoustillait par sa naïveté démesurée. Si elle s'est donné la mort, c'est parce qu'elle a appris que Labri venait de vendre son commerce tout en assurant au nouvel acquéreur que la vendeuse restera à la disposition de celui-ci. De figurer dans l'acte de vente de la librairie revient à faire, tout simplement, partie du fonds de commerce. Emilienne s'est sentie trahie par son amant et a succombé au désespoir.

    Labri ne pourra pas être inquiété par la justice. La mort d'Emilienne ne peut d'ailleurs que lui causer du tort puisque les conditions de vente de la Librairie Spéciale s'en trouvent modifiées.

    Dans la cave du magasin, loin de la vie et de ses lois, Maigret écrase son poing sur le visage de Labri. Tandis que celui-ci tâte une de ses dents qui balance, le commissaire lâche :

    — Tu pourras toujours dire que tu es tombé dans l'escalier ! Il est tellement raide !…

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