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Rédaction
Nieul-sur-Mer (Charente-Maritime, France), en 1939.
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Manuscrit
[ ? ].
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Publication d'une préoriginale
Dans l'hebdomadaire « Gringoire », n° 580 du 21 décembre
1939 ; p. 8.
Le docteur de Kirkenes, 1939.
Publication en préoriginale.
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Edition originale
In La
rue aux trois poussins (Paris, Presses de la Cité,
1963).
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Réédition(s)
en français
[En préparation].
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Edition(s) collective(s)
en français
Liste non exhaustive
In uvres
complètes (Lausanne, Editions Rencontre, 1967-1973)
- tome 26.
In Tout
Simenon (Paris, Presses de la Cité, 1988-1993)
- tome 12.
In Tout
Simenon (Paris, Omnibus, 2002-2004) - tome
12.
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Traduction(s)
Liste non exhaustive
En allemand :
[ ? ] : [ ? ].
En anglais :
[ ? ] : [ ? ] (première édition américaine).
[ ? ] : [ ? ] (première édition anglaise).
En italien :
[ ? ] : [ ? ].
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Intrigue
Décembre à Kirkenes, en Norvège. Il n'y a pas
seulement trois heures de jour. De jour et non de soleil, car le ciel
s'est contenté de prendre la couleur de la neige qui commence
à fondre, avec ces reflets jaunâtres qui font penser
à la maladie. Le thermomètre marque 28° sous zéro.
Le docteur Joachim Tromps occupe sa journée comme les précédentes,
sans doute. Il a allumé les feux dans les poêles de la
salle de consultation et de la pharmacie, fait son ménage,
mangé et bu quelques verres d'aquavit. Il est vieux, petit,
furtif, avec des poils gris plein la figure, une curieuse façon
de rentrer le cou dans les épaules comme si les hommes lui
faisaient peur ou le dégoûtaient. Vers trois heures,
il s'est installé, tout seul, devant un jeu d'échecs.
C'est à ce moment là qu'Anders Solstad (qu'on appelle
plutôt Stor-Anders, ce qui signifie le grand Anders) pousse
la porte de la pharmacie. Il tousse, désigne sa poitrine et
sa gorge, tousse encore, beaucoup trop pour que ce soit naturel :
Je crois que j'ai pris froid
Je voudrais une ordonnance
pour du whisky ou autre chose de fort
Parce que, à Kirkenes, les boissons alcooliques ne sont délivrées
que contre ordonnance du médecin. Et c'est lui qui les vend
dans sa pharmacie. Qu'arriverait-il si les ouvriers de la mine, qui
vivent là des mois et des mois, sans voir personne, loin de
leur famille qui habite Oslo ou ailleurs, se mettaient à s'enivrer
un jour de cafard ?
Stor-Anders, d'ordinaire si calme, si comme il faut un contremaître
fait sur mesure s'emballe. La monnaie est prête dans
sa main ; il veut juste un demi-litre d'alcool. Mais le docteur lui
propose de la teinture d'iode, quelques gouttes à prendre avec
du lait avant le coucher
Pantelant de colère, Anders a déjà claqué
avec fracas la porte derrière lui. Avec la même violence,
il pénètre dans le club des ouvriers et fonce littéralement
vers la table de Peter le Borgne, un homme qu'il a rappelé
cent fois à l'ordre dans le service et qu'on ramasse parfois
ivre dans la rue. A lui aussi, il demande du whisky, de l'aquavit
ou du gin
Mais Le Borgne n'a rien et lui conseille de s'adresser
aux Lapons, qui font de la contrebande avec les sentinelles russes
quand ils traversent le petit morceau de Finlande
A la frontière,
les sentinelles celles qui troquaient de la vodka contre des
conserves ont changé. Les nouvelles tirent à
vue ; les Lapons n'ont rien à proposer à Stor-Anders.
Alors celui-ci retourne chez le docteur Tromps. Il avoue n'être
pas malade, mais avoir besoin d'alccol, ou de drogue, pour s'abrutir,
pour dormir. Car il devient fou, Anders, fou de douleur. Il ne peut
pas rester comme ça, avec ses pensées qui le torturent.
Sa femme est morte et il ne sait pas de quoi. Il s'inquiète
pour son fils, qu'il imagine abandonné. Le télégramme
est arrivé le 6 décembre. On est le 12, de sorte qu'elle
est déjà enterrée.
Jamais Joachim Tromps n'a regardé quelqu'un avec autant d'intensité,
comme si on lui avait présenté un spécimen rare.
Mais aucune trace d'émotion n'apparaît sur son visage.
Anders, lui, éclate. Il y avait trop d'heures que cela bouillonnait
en lui. On lui avait apporté le télégramme vers
dix heures, à la mine. Il était resté hébété
un bon moment, avait continué à diriger son équipe,
puis était parti. Il avait marché, parlé tout
seul, s'était jeté sur son lit, la face dans l'oreiller.
Mais il n'avait pas encore pleuré.
Epouse Solstad décédée
Rien
d'autre ! Et le petit ? Qui était là ? Il n'y a pas
de bateau avant huit jours, vous entendez, alors je veux être
ivre pendant huit jours, du matin au soir
Sinon, je deviendrai
fou furieux
Silence du docteur. Stor-Anders supplie. Et Tromps qui refuse, lui,
l'ivrogne. Qui a peur de perdre sa place si la police
Dans la
pièce voisine, le chat saute sur la table. Anders l'a vu. Un
coup d'il machinal. Suffisant pour constater, sur le tapis à
carreaux, une bouteille d'aquavit entamée.
Salaud !... Salaud de salaud
Nul, sauf le chat n'assista à la scène.
Le soir, vers huit heures, Stor-Anders pousse du pied la porte du
club des ouvriers. Sa démarche est lourde et mal assurée.
Il se laisse tomber sur le banc près du Borgne. Les deux hommes
échangent quelques mots.
Peter le Borgne et quelques hommes foncent chez le docteur Tromps.
Il est dans son fauteuil, mort, la tête sur son échiquier,
dans une mare de sang coagulé. Un bout de papier, de celui
qui sert pour les ordonnances, se détache de sa barbe. Sa main
a tracé au crayon : Je suis sourd depuis quatre ans
Je ne sais pas ce qu'il
Au club des ouvriers, Anders Solstad ronfle. On voit encore, dans
le coin de sa paupière, la trace luisante d'une larme. Il dort
si fort que le policier chargé de s'assurer de sa personne
hésite à le réveiller. Une fois debout, il dit
simplement, en se frottant le visage :
Ah ! oui
Avec lenteur, il enfile sa pelisse. Tous, autour de lui, suivent ses
moindres faits et gestes, parce qu'on sent qu'il ne vit plus dans
le même monde que les autres.
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