Le matin des trois absoutes
[Le vélo de l'enfant de chœur]
Nouvelle

  • Rédaction
    Nieul-sur-Mer (Charente-Maritime, France), en 1940 [ ? ].


  • Manuscrit
    [ ? ].


  • Publication d'une préoriginale
    Dans l'hebdomadaire « Gringoire », n° 593 du 21 mars 1940 ; p. 8 ; sous le titre Le vélo de l'enfant de chœur.







    Le vélo de l'enfant de chœur, 1940.
    Publication en préoriginale.



  • Edition originale
    In La rue aux trois poussins (Paris, Presses de la Cité, 1963).


  • Réédition(s) en français

    [En préparation].


  • Edition(s) collective(s) en français
    Liste non exhaustive

    In Œuvres complètes (Lausanne, Editions Rencontre, 1967-1973) - tome 26.
    In Tout Simenon (Paris, Presses de la Cité, 1988-1993) - tome 12.
    In Tout Simenon (Paris, Omnibus, 2002-2004) - tome 12.


  • Traduction(s)
    Liste non exhaustive

    En allemand :
    [ ? ] : [ ? ].

    En anglais :
    [ ? ] : [ ? ] (première édition américaine).
    [ ? ] : [ ? ] (première édition anglaise).

    En italien :
    [ ? ] : [ ? ].


  • Intrigue
    On ne le croit pas, soi-disant parce que tous les enfants mentent. Mais, lui, Georget, prétend que tous les matins, il entend — comme le bruit immatériel d'une araignée — et qu'il ouvre les yeux tout grands et peut ainsi prévoir à la seconde à laquelle se déclenche la sonnerie furieuse du réveil.

    Puisqu'on ne le croit pas, tant pis ! Ce matin-là, comme d'ailleurs pour les autres matins, il s'éveille à cinq heures et demie. Il fait nuit, il fait froid. Il y a du givre sur les vitres. Les secondes sont comptées pour s'habiller et se lancer dans la rue. Georget marche vite et rase les maisons ; il les connaît toutes et n'a pas peur, un peu comme s'il était tenu à chez lui par un fil.

    Georget se rend à l'hôpital Edith-Cavell où il sert la messe de six heures. Rue Pasteur, à moins de dix mètres de lui, contre la porte cochère du fabricant d'eaux gazeuses, il y a quelqu'un debout… quelqu'un qui attend… Et il est trop tard pour faire demi-tour…

    — Hep ! Petit !

    L'inconnu interpelle Georget ; le gamin tremble de peur, sa respiration est brûlante comme du feu. L'homme l'observe depuis plus de trois jours et il a un service à lui demander, en échange duquel il lui offrira un magnifique cadeau :

    — Réponds ! Qu'est-ce que tu aimerais ?...
    — Un vélo !

    Pour ce vélo, Georget devra impérativement tirer le verrou de la porte qui précède l'entrée de la chapelle. Bien que terrorisé, il promet : il tirera le verrou en passant dans la cour intérieure.

    Dès que l'homme le lâche, Georget file en courant. L'horloge de l'hôpital marque six heures moins cinq. Il est en retard de deux minutes. D'habitude, il atteint cet endroit à six heures moins sept…

    Ce matin-là, sœur Adonie lui annonce qu'il y aura trois absoutes ; Georget gagnera neuf francs. Il n'est pas vraiment à son affaire et commet des erreurs ou bute dans sa robe. Il pense à l'homme, se demande s'il est déjà rentré dans la chapelle. Pour l'une des absoutes, l'enfant de chœur remarque que le cercueil a été fourni par l'Assistance et que personne ne l'accompagne.

    Après l'hôpital, l'école. Et à midi, lorsqu'il rentre chez lui, Georget trouve un vélo dans le vestibule ; un vélo neuf, encore entouré de papier d'emballage. Son père et sa mère s'interrogent sur sa provenance : ils contemplent la machine avec embarras. Ne serait-ce pas la tante Mathilde qui, d'Egypte où elle vit, s'est souvenue que Georget est son filleul et qu'il va bientôt faire sa première communion ?

    Le lendemain, le journal rapporte un fait divers étrange : la veille, à la morgue de l'hôpital, un soulier a disparu, à côté des vêtements appartenant à un malfaiteur qu'on enterrait ce jour-là. C'était l'un des auteurs d'un vol important commis dans une banque à l'aide d'au moins deux complices ; lui seul avait été arrêté et l'argent n'a pas été retrouvé. Le soulier du mort ne contenait-il pas des renseignements sur l'endroit où l'argent était caché ?

    Tu entends, un soulier ! répète le père en lisant le journal à haute voix. Et c'est Georget qui a servi l'absoute !

    Georget ne dira rien. Pas même à confesse. Ni plus tard, quand il aura dix-huit ans, que son père sera mort, et qu'il reparlera de la tante Mathilde avec sa mère…

    A quoi bon d'ailleurs. Le vélo, maintenant, est rouillé, trop petit pour lui et même pour son frère. Georget se souvient néanmoins toujours du gamin qu'il était, se faufilant dans le matin sombre en rasant les murs, escomptant le plus possible d'absoutes à trois francs, tandis qu'à six heures moins le quart sonnait le premier coup de la messe de l'hôpital…




• Apporter une information complémentaire
ou une correction : cliquer ici