Intrigue
Suivant les conseils de son ami, le docteur Pardon, Maigret prend
des vacances, qu'il passe en cure à Vichy (Bourdonnais, France),
avec son épouse. Il a cinquante-trois ans, commence à
se sentir vieillir et se soucie de sa santé
Dans le calme
teinté d'ennui de la saison thermale on est en plein
mois de juillet il fume sa pipe, feuillette le journal afin
de trouver les nouvelles locales, boit ses verres d'eau quotidiens
et fait de longues promenades avec Madame.
Or donc, Maigret
nettoie son organisme en dehors du territoire
dans lequel exerce ses fonctions. Aussi lorsque la curiste
Hélène Lange, une rentière de quarante-huit ans,
se fait étrangler dans son salon l'enquête est-elle
confiée à Désiré Lecur, commissaire
à Clermont-Ferrand et ancien collaborateur de Maigret.
Tout en poursuivant sa cure et ses promenades avec sa femme, Maigret
s'intéresse aux investigations conduites par Lecur. Il
suit d'un il souvent sérieux, mais aussi parfois détaché
et amusé, le travail de son ex-inspecteur.
Hélène Lange était une femme solitaire que les
Maigret avaient remarquée plusieurs fois, au même endroit
et à la même heure, en se promenant dans les jardins
de Vichy, entre les kiosques et les pavillons rococo.
Originaire de La Rochelle et issue d'une famille modeste, Hélène
Lange a été employée à Paris pendant quelques
années, puis elle a vécu en rentière. A Nice,
puis à Vichy. Elle habitait la station thermale depuis neuf
ans. Pourtant, personne ne sait rien d'elle et on ne lui connaît
pas la moindre fréquentation. La vie d'Hélène
était si dépourvue d'événements que Maigret
ne tarde pas à découvrir qu'elle faisait, à intervalles
relativement fixes (tous les deux ou trois mois) un court voyage avant
de déposer plusieurs milliers de francs à son compte
du Crédit Lyonnais.
Ainsi donc, la victime recevait des versements importants, qu'elle
allait à chaque fois toucher dans une ville différente
Quant au meurtre, le commissaire Lecur ne possède qu'un
indice : une femme aurait été bousculée par un
homme pressé, à quelque pas de la maison d'Hélène
Lange et à l'heure présumée du crime.
Si Hélène Lange vivait apparemment sans aucun contact
avec autrui, il n'en est pas de même de Francine, sa sur,
venue à Vichy avec son ami pour les obsèques. En effet,
Francine Lange, quarante ans, tient à La Rochelle un salon
de beauté renommé et en célibataire émancipée
mène une existence très animée. Elle ne
s'éternise d'ailleurs pas à Vichy, qu'elle quitte le
lendemain de l'enterrement.
Se demandant si elle a fui parce qu'elle avait quelque chose à
cacher, la police s'intéresse de plus près à
Francine Lange. Il apparaît dès lors que les deux surs
ont beaucoup plus de points de contacts que la cadette ne veut le
faire croire. De plus, le salon de beauté tenu par Francine
appartient pour moitié à Hélène, qui a
fourni les fonds nécessaires à son achat. Enfin, Francine
avoue être partie précipitamment de Vichy après
avoir reçu un coup de téléphone de l'assassin.
La surveillance des cabines téléphoniques de la station
thermale aboutit à l'arrestation d'un homme de soixante ans
environ, industriel fortuné, lui aussi en cure à Vichy.
Louis Pélardeau, en qui Maigret devine presque aussitôt
l'individu qui fuyait le soir du meurtre, avoue rapidement être
l'assassin d'Hélène. En revanche, les petits secrets
des surs Lange donneront au commissaire davantage de fil à
retordre. Mais il parviendra à mettre à jour des existences
où le sordide l'emporte sur le pathétique.
Pélardeau était l'amant parisien d'Hélène.
A cette époque, Francine travaillait aussi dans la capitale
et multipliait les liaisons amoureuses sans lendemain. Et lorsque
Francine se retrouve enceinte, Hélène annonce à
Pélardeau qu'elle est elle-même enceinte et que,
par
convenance, elle va le quitter.
Les deux surs disparaissent et se réfugient dans un hameau
bourguignon où elles sont inconnues. Là, Francine met
au monde un petit garçon, Philippe, qui est inscrit comme enfant
d'Hélène à l'état civil.
Hélène Lange annonce à son ex-amant qu'il est
le père de Philippe et, toujours
par convenance, lui
demande de renoncer à voir l'enfant avant sa majorité,
afin de lui épargner le scandale de sa naissance illégitime.
Pélardeau accepte et pourvoit à l'éducation de
son fils en versant de grosses sommes à Hélène.
Si cet argent n'aboutissait pas directement à Vichy, c'est
qu'Hélène prenait soin de dissimuler son adresse. Aussi,
tous les deux ou trois mois, prenait-elle le train pour se rendre
dans une ville à chaque fois différente où Pélardeau
avait versé la somme qui devait permettre à Hélène
d'élever Philippe dans les meilleures conditions.
C'est par hasard que Pélardeau, alors en cure à Vichy,
retrouve et reconnaît Hélène Lange. Il exige qu'elle
lui révèle où est caché Philippe, devenu
sa seule raison de vivre. Devant le mutisme forcené de son
ancienne maîtresse, il se laisse emporter par la colère
et empoigne Hélène à la gorge. Sans le vouloir
vraiment, il l'étrangle.
Ce que Pélardeau ignore, le soir où il tue accidentellement
Hélène Lange, c'est que toutes ces années
durant lesquelles il a versé de l'argent pour subvenir aux
besoins de son fils il a été mystifié
par Hélène.
En effet, tout de suite après sa naissance, Philippe a été
confié à une famille de paysans des Vosges. Et à
l'âge de deux ans et demi, il est mort noyé dans une
mare. Louis Pélardeau n'a donc été, malgré
lui, que le bailleur de fonds des surs Lange. Par ruse, Hélène
a su exploiter un homme crédule en lui extorquant des sommes
importantes, qui expliquent son statut de rentière et le magnifique
salon de beauté de La Rochelle
Maigret espère que la dignité et la naïveté
de Louis Pélardeau le feront acquitter.