Intrigue
Il doit être environ une heure du matin lorsqu'un inconnu frappe
à la porte du docteur Pardon. Il lui amène une jeune
femme, sur laquelle dans la rue un individu a tiré
avant de prendre la fuite. Comme il se trouvait là par hasard,
il a pu venir en aide à la blessée et demande, maintenant,
au médecin de lui donner des soins.
Pardon extrait la balle la blessure n'est que superficielle
et le couple part aussitôt. Le médecin alerte
alors son ami Maigret, qui trouve que l'explication, donnée
par cet homme et cette femme au sujet de l'agression qu'elle aurait
subie, n'est pas très cohérente.
Quelques heures plus tard, Maigret apprend que les deux visiteurs
de Pardon contrairement aux dires de l'homme se connaissent,
puisqu'ils viennent de prendre ensemble l'avion pour Amsterdam.
Le matin, un Libanais maronite du nom de Félix Nahour est découvert,
par sa femme de ménage, assassiné dans le bureau de
son hôtel particulier, avenue du Parc-Montsouris (Paris, France).
La victime est un joueur professionnel, âgé de quarante-deux
ans.
Dans l'entourage de Nahour, Maigret fait la connaissance de Fouad
Ouéni, un Libanais musulman d'une cinquantaine d'années,
qui était le secrétaire de la victime. Son intendant,
aussi. Il déclare qu'il n'était pas dans l'appartement
au moment du crime. Quant à la femme de chambre de Madame Nahour,
Nelly Velthuis elle est Hollandaise elle n'a rien entendu.
Par recoupements, le commissaire établit que la jeune femme
soignée par le docteur Pardon n'est autre que l'épouse
de la victime : Evelina (dite Lina) Nahour, née Wiemers et
d'origine hollandaise. Elle a vingt-sept ans. C'est une ancienne reine
de beauté (elle a été Miss Europe !). Quant à
l'homme qui l'accompagnait, il s'agit de Vicente Alvaredo, un étudiant
colombien de vingt-six ans. Il est aussi l'amant de Lina.
La police retrouve sans peine la trace des fuyards à Amsterdam,
où ils tentaient de se cacher. Faisant confiance à Maigret,
Lina revient en France et se met à la disposition de la justice.
Son amant fera de même peu de temps après.
Lina Nahour contredit le secrétaire de son mari, Fouad Ouéni,
en affirmant qu'il était présent dans le bureau de celui-ci.
Elle lui annonçait son intention de le quitter afin de vivre
avec Vicente, qui attendait dans la voiture au bas de l'immeuble.
Pour seule réponse à sa demande de divorce, Félix
Nahour a tiré sur elle. Elle précise qu'elle n'a pas
entendu une seule détonation, mais deux !
Maigret interroge à nouveau Fouad Ouéni, qui reste sur
sa position et fait porter les soupçons sur l'amant de Lina
Nahour. Le commissaire a le sentiment d'avoir entendu
plusieurs
vérités. Mais il ne parvient toutefois pas à
se contenter des explications trop claires qui lui ont été
données. Il lui faudra toute son intuition pour comprendre
la mentalité des étrangers dont il s'occupe, et tout
son ascendant pour leur faire avouer peu à peu la vérité.
La solution du drame, Maigret la devine. Mais il lui manque les preuves.
Aussi convoque-t-il tout l'entourage de Félix Nahour dans son
bureau du Quai des Orfèvres. Convaincue que le commissaire
est au courant de tout ou presque Lina avoue. Fouad
Ouéni a été longtemps son amant et il venait
d'être évincé par Vicente Alvaredo. Elle n'avait
toutefois cessé toutes relations avec le Libanais qu'au moment
où elle s'est rendue compte qu'elle était vraiment amoureuse
de Vincente.
Fouad Ouéni n'a cependant jamais cessé d'aimer Lina.
C'est lui qui a tiré sur Félix Nahour alors qu'il menaçait
son épouse de son arme, après qu'elle lui eût
annoncé son intention de le quitter. Les deux hommes ont tiré
presque en même temps. Lina Nahour n'a été que
légèrement blessée et a rejoint son amant dans
la voiture. Elle lui a fait croire que Fouad a agi par vengeance personnelle,
tandis qu'il la conduisait chez le docteur Pardon.
Mais pourquoi Ouéni persiste-t-il à nier ?
La réponse tombera aux Assises, alors qu'est publiquement révélée
la liaison entre Lina et le secrétaire de son mari. Car si
Lina a d'abord menti, c'était pour cacher à Vicente
qu'elle a été la maîtresse de Fouad Ouéni.
Cette révélation aurait, en effet, pu compromettre son
projet de mariage avec l'étudiant colombien.
La justice condamne Ouéni à dix ans de prison. S'il
avait avoué avoir tiré sur Félix Nahour pour
protéger Lina, peut-être aurait-il été
acquitté. Mais le Libanais est prêt à payer
au prix fort son silence. Maigret comprend que pour l'ex-secrétaire
de Nahour, ces dix ans de détention sont sans importance, car
il a atteint son but. Il a sali son ancienne maîtresse aux yeux
de sa future belle-famille sud-américaine catholique
et conservatrice et, de ce fait, aura peut-être réussi
à empêcher le mariage de Lina. En tirant sur son patron,
il s'est aussi vengé d'une vie passée au service et
dans l'ombre d'un homme qu'il n'appréciait pas.
Et Maigret de penser, qu'en agissant ainsi, Fouad Ouédi a gagné
la partie.