Intrigue
Léonard Planchon a racheté la petite entreprise de peinture
de son patron, à la mort de celui-ci. L'affaire est assez prospère,
mais l'homme est un médiocre et un faible, disgracié
de surcroît par un bec-de-lièvre. Il a trente-six ans,
est marié à Renée (vingt-sept ans) et père
d'Isabelle (sept ans). Depuis deux ans, l'un des ses ouvriers, Roger
Prou (vingt-neuf ans) couche ouvertement avec Renée.
Planchon a accepté cet adultère sans rien dire. Il n'a
pas non plu objecté lorsque il y six mois Roger
Prou est venu s'installer dans son appartement de la rue Tholozé
(à Montmartre, Paris, France), l'obligeant, lui le mari, à
dormir sur un lit de camp installé dans le salon.
Plusieurs samedis de suite, Léonard Planchon s'est rendu à
la P. J., faisant antichambre pour parler au commissaire Maigret,
mais repartant toujours avant d'être reçu. Au Quai des
Orfèvres, on le surnomme le
client du samedi.
Il connaît le commissaire par les journaux et le considère
comme un homme capable de tout comprendre. C'est pour cette raison
qu'il veut le rencontrer et lui faire part d'une idée qui l'obsède.
Un soir - un samedi - il se rend boulevard Richard-Lenoir, où
Maigret le reçoit. Planchon est pitoyable. Il a trop bu et
il pleure. Il explique au commissaire que, chez lui, on lui a fait
comprendre qu'il était de trop. Roger Prou, un beau gars, avantageux
et costaud, lui a pris sa femme. Et il est en train, au sein de son
entreprise aussi, de prendre la place de patron. Aussi, Planchon a-t-il
l'intention de les abattre tous les deux, son épouse et son
amant. C'est la seule issue, concède-t-il à Maigret,
car s'il ne tient plus à Renée, Planchon veut au moins
conserver son entreprise et sa fille.
Maigret fait promettre à Planchon de renoncer à son
projet quand bien même il a tout préparé
et envisagé les moindres détails de son acte
et de lui téléphoner tous les jours. Mais dès
le lundi, Léonard Planchon ne donne plus signe de vie.
Le commissaire interroge Renée Planchon. Elle lui affirme que
son mari a quitté le domicile conjugal pour ne plus y revenir.
Il a aussi cédé son entreprise à son rival, Roger
Prou, pour la somme de 30'000 francs et s'est engagé à
accepter le divorce.
Maigret s'étonne quand même que Planchon ne respecte
pas l'engagement qu'il a pris de l'appeler tous les jours
Antoinette Lesourd, une fille publique, apprend au commissaire que,
lundi soir, c'est un Léonard Planchon ivre mort qu'elle a raccompagné
jusqu'à la porte de son appartement. Dès lors, dans
son état, Maigret doute que Planchon ait réussi à
faire ses valises et à quitter son domicile, comme l'a prétendu
Renée.
Personne ne sait où est Planchon. Maigret fait perquisitionner
chez lui et, dans la chambre d'Isabelle, sous une lame de parquet,
la police découvre les 30'000 francs que l'entrepreneur est
censé avoir reçus de son ouvrier
Cette découverte
embarrasse les deux amants, qui commencent à se disputer.
Une semaine plus tard, le corps de Léonard Planchon est retrouvé
dans la Seine, au barrage de Suresnes. Il a été ficelé
dans un sac, après que plusieurs coups lui aient été
portés à la tête.
Pour Maigret l'affaire est terminée. Son dénouement
viendra aux Assises, l'été suivant. On apprendra que
l'acte de cession de l'entreprise était un faux destiné
à tromper Maigret et au bas duquel la signature de Planchon
avait été imitée. Celui-ci n'a donc jamais rien
su de la vente de son entreprise
Les deux amants se défendent chacun pour son compte, avec l'un
pour l'autre un visible sentiment de haine. La déposition de
Maigret, révélant les intentions homicides de Planchon,
vaudra aux accusés des circonstances atténuantes.
Roger Prou sera condamné, de même que sa complice Renée.
Vingt ans pour lui ; huit ans pour elle.