Intrigue
Une nuit de mi-novembre, avenue Junod (quartier de Montmartre, Paris,
France), l'inspecteur Charles Lognon, dit le Malgracieux, reçoit
deux coups de feu. Il est emmené et opéré d'urgence
à l'hôpital Bichat. Le lendemain, lorsque Maigret lui
rend visite, il est dans l'impossibilité de parler et ne peut
fournir au commissaire aucun renseignement sur la tentative d'assassinat
dont il a été victime.
Les premiers éléments de l'enquête seront fournis
à Maigret par Mme Saujet, la concierge de l'immeuble devant
lequel Lognon s'est effondré. A sa grande stupéfaction,
il apprend que, depuis dix jours, le Malgracieux, passait une partie
de ses nuits chez l'une des locataires, une jolie esthéticienne
appelée Marinette Augier (vingt-cinq ans). Malheureusement,
celle-ci a subitement disparu.
Connaissant Lognon et malgré l'attrait qu'aurait pu
exercer sur lui Marinette Maigret se doute que Lognon devait
s'intéresser à l'hôtel particulier situé
en face de l'appartement de la jeune esthéticienne. Maclet,
son voisin, un vieillard curieux et misanthrope, confirme les soupçons
du commissaire. Il lui dit aussi avoir remarqué des
agissements
bizarres, soulignant que, plusieurs fois par semaine, des prostituées
sont reçues par le propriétaire de l'immeuble surveillé
par Lognon.
Aussi Maigret se tourne-t-il vers la maison d'en face, celle d'un
homme de soixante-quatre ans, Norris Jonker, Hollandais et riche collectionneur
de tableaux. Celui-ci vit avec son épouse, Mireille, qui a
la moitié de son âge. C'est une femme ravissante et Maigret
peine à faire le lien avec les prostituées que les Jonker
accueillent régulièrement chez eux.
En visitant l'hôtel particulier de l'amateur d'art, Maigret
comprend que l'appartement de Marinette Augier permettait à
Lognon d'observer tout particulièrement l'atelier vitré
qui couronne la maison des Jonker. Norris laisse entendre au commissaire
que cet atelier est celui de Mireille qui, bien que dépourvue
de talent, prend plaisir à y
gâcher quelques toiles.
Au détour d'un couloir, Maigret surprend, à l'insu de
son guide, un cagibi couvert de graffiti et de dessins obscènes.
Il a le temps d'apercevoir que la porte de cette pièce est
pourvue d'un verrou placé
à l'extérieur.
Qui donc y a-t-on enfermé ?
En interrogeant son collègue de Nice et son ami de Scotland
Yard, à Londres, l'inspecteur-chef Pyke, Maigret apprend que
Mireille Jonker, de son vrai nom Marcelle Mailland, est divorcée
de l'industriel anglais Herbert Muir. Plus intéressant encore,
elle a été, à dix-huit ans, la maîtresse
d'un célèbre voleur de bijoux, Stanley Hobson, dit Stan-le-Chauve.
L'homme a aujourd'hui entre quarante-cinq et quarante-huit ans ; il
sévit toujours dans le monde de la peinture et des faussaires.
Le témoignage d'un placier d'aspirateurs facilite grandement
la tâche de Maigret : il a vu, le soir où Lognon a été
attaqué, deux inconnus sortir de l'immeuble des Jonker. Ils
ont conduit contre son gré un homme dans une
Jaguar jaune en transit, marquée des plaques T T.
Le véhicule est rapidement repéré. Il appartient
à un Américain de trente-huit ans, Ed Gollan, un critique
d'art réputé, qui est aussi expert en peinture et connu
de la police pour escroquerie.
Il n'en faut pas plus à Maigret pour confondre Norris Jonker.
Dans son cagibi, le Hollandais séquestrait un artiste fou,
mais génial, Frederico Palestri (vingt-deux ou vingt-trois
ans), qu'il obligeait à reproduire des tableaux de maître.
Ces copies étaient ensuite authentifiées par Gollan
et Jonker, puis vendues. En échange de son travail, Jonker
fournissait à Palestri les nombreuses prostituées dont
sa boulimie sexuelle avait absolument besoin.
Sur la piste de cette bande de trafiquants d'art, Lognon avait été
repéré dans l'appartement de Marinette Augier. Raison
pour laquelle, deux truands ont été commandités
pour l'abattre. Après l'attentat, Gollan et Hobson, l'ancien
amant de Mireille Jonker, ont déplacé d'urgence Frederico
Palestri.
Maigret se lance à la recherche du faussaire italien, mais
il est trop tard. Palestri s'est pendu dans la salle de bains de l'appartement
de l'un de ses ravisseurs, où il était tenu enfermé.
Ed Gollan et Stanley Hobson ainsi que les deux truands à
leur solde (dont Mario de Luca, celui qui a tiré sur Lognon)
seront rapidement appréhendés et incarcérés.
Contre Norris et Mireille Jonker, Maigret ne retiendra finalement
aucune charge.
La jolie Marinette Augier, qui avait fui par crainte de représailles
de la part des assassins du Malgracieux, est retrouvée saine
et sauve. Elle a toutefois du mal à convaincre Mme Lognon que
sa complicité avec son mari se limitait à la surveillance
de l'atelier des Jonker.
Quant à Lognon lui-même, encore une fois, il n'a pas
eu de chance
Une belle enquête lui a glissé entre
les doigts et, une fois sorti de l'hôpital, il subira son épouse
acariâtre, avec laquelle il partira en cure de repos.