Intrigue
Antoine Batille a-t-il payé de sa vie sept coups de
couteau sa curieuse habitude d'enregistrer au magnétophone
les conversations d'inconnus, comme d'autres prennent des photos ?
Toujours est-il que ce jeune étudiant de vingt-et-un ans a
été sauvagement tué, un soir de pluie diluvienne,
alors qu'il sortait d'un café de la rue Popincourt (quartier
de la Bastille, Paris, France).
En interrogeant la sur de la victime, Monique (dix-huit ans),
elle aussi étudiante, Maigret apprend, qu'avec sa manie, le
jeune homme avait la conviction d'étudier l'homme sur le vif
et qu'il faisait ainsi des recherches psychologiques d'un genre nouveau.
Cette passion l'amenait à fréquenter certains bars et
cafés assez louches, raison pour laquelle il a toujours refusé
qu'elle l'accompagne.
L'écoute de la dernière cassette enregistrée
par Antoine Batille met la police sur la piste d'une bande de voleurs
de tableaux, dont quatre membres sont rapidement arrêtés.
L'a-t-on tué parce qu'il venait de surprendre une conversation
compromettante ? Maigret en doute car l'assassin ne lui a dérobé
ni le magnétophone portatif, ni son contenu. Alors ?
Pour éviter que l'enquête piétine, Maigret tend
un piège au coupable avec la complicité de la presse.
Quelques jours après le drame, celle-ci laisse entendre que
l'arrestation des voleurs de tableaux a un rapport avec l'assassinat
d'Antoine Batille.
Un inconnu se manifeste sans tarder en écrivant à la
rédaction des journaux et en téléphonant à
Maigret. Il revendique le meurtre de l'étudiant et s'indigne
qu'on puisse diffuser autant de fausses informations. Le commissaire
pense qu'il serait facile de le faire rechercher et arrêter
rapidement. Mais il préfère que l'homme se livre lui-même
car il pressent chez lui un drame personnel.
Les faits lui donnent raison. Pendant quatre jours, le suspect appelle
souvent Maigret pour trouver auprès de lui compréhension
et réconfort. Enfin, il vient personnellement se confier au
commissaire, préférant le rejoindre à son domicile
du boulevard Richard-Lenoir plutôt que dans les locaux de la
P. J.
Robert Bureau (environ trente ans) est employé dans une compagnie
d'assurances. Il dit souffrir d'une compulsion. Dès qu'il est
en butte à une contrariété, il a envie de tuer.
A quatorze ans déjà, il a assassiné un adolescent
de son âge, mais n'a pas été inquiété
pour ce crime. Depuis, il est poursuivi par son besoin de tuer, en
même temps que par la peur de frapper à nouveau. Il se
considère comme malade et s'est fait examiner par plusieurs
médecins, sans pour autant leur avouer sa perpétuelle
envie de tuer. Son ennemi, c'est l'homme ; c'est-à-dire l'humanité
entière. Jusqu'à ce qu'il frappe Antoine Batille à
mort avec un couteau, il avait réussi à se dominer et
aujourd'hui, il ne demande qu'à guérir. Il a même
l'impression que d'avoir parlé à Maigret et surtout
que celui-ci l'ait écouté et paraisse comprendre son
drame le soulage déjà.
Aux Assises, Maigret demande à la justice de faire soigner
Robert Bureau, un assassin pathétique et dérisoire.
Mais le président lui objecte qu'il n'existe pas d'établissement
où il
pourrait être soigné efficacement tout
en restant sous une stricte surveillance
Robert Bureau sera dès lors condamné à quinze
ans de prison.