Intrigue
Maigret reçoit une lettre anonyme qui l'avertit qu'un meurtre
doit être incessamment commis. Elle ne précise toutefois
pas où ni qui est menacé. Le papier de grand luxe
utilisé pour sa rédaction permet cependant à
la P. J. de déterminer rapidement sa provenance. Quelqu'un,
dans la maison ou au bureau d'Emile Parendon un juriste célèbre
spécialisé dans le droit maritime international
a voulu prévenir Maigret
sans toutefois lui fournir des
détails sur le danger qu'il pressent.
Maigret se rend au domicile de l'avocat, un hôtel particulier
de l'avenue Marigny (Paris, France). Il y est reçu par un homme
de quarante-six ans, petit et laid, mais prodigieusement intelligent
et imbattable dans sa spécialisation. Parendon se passionne
par ailleurs pour la question de la responsabilité des criminels
et pour l'article 64 du Code pénal, auquel il se propose de
donner une interprétation (c'est-à-dire définir
les circonstances à partir desquelles un individu ne peut être
tenu responsable de ses actes). Il y consacre tout son temps libre.
Avec l'autorisation du maître des lieux, Maigret enquête
durant deux jours dans le luxueux appartement de la famille Parendon.
Il observe et interroge. C'est Antoinette Vague, la secrétaire
de Parendon, qui lui sert le plus souvent de guide.
Antoinette (vingt-cinq ans) est une jeune femme intelligente, pondérée
et équilibrée. Elle est très satisfaite de travailler
pour Parendon, qu'elle estime, et pour lequel elle a une certaine
affection. De temps à autre, elle joue le rôle de maîtresse.
Ce qui permet à l'éminent juriste d'oublier que sa femme
est un dragon.
Dans l'hôtel particulier où les rapports familiaux
et professionnels sont décidément tendus et compliqués
chacun est au courant des relations que Parendon entretient
avec sa secrétaire. On dit même que Madame Parendon les
aurait surpris au moins une fois à l'uvre, car Parendon
prend sa secrétaire à la sauvette, sur le coin de son
bureau. Raison pour laquelle elle n'entretient d'ailleurs plus de
relations physiques avec son mari.
De l'avis de tous, les époux Parendon forment un couple très
mal assorti. Madame la quarantaine déjà aigrie
est née Gassin de Beaulieu. Elle appartient donc à
la grande bourgeoisie et est éprise de mondanités. Elle
éprouve du mépris pour son mari, à qui elle reproche
son manque d'ambition et sa propension à fuir toute vie mondaine.
Elle le tient pour un homme conscient de sa disgrâce physique,
renfermé sur lui-même et incapable de vivre avec autrui.
Elle pense qu'il a perdu le contact avec la réalité
et que son cas relève de la psychiatrie, notamment à
cause de son obsession à traiter de ce fameux article 64 du
Code pénal.
Le conflit latent qui oppose les Parendon entraîne un profond
malaise dans leur entourage, qu'il s'agisse de leurs enfants, Paulette
et Jacques, des domestiques ou des collaborateurs de l'avocat. Ce
malaise se transforme en peur lorsque Maigret reçoit deux nouvelles
lettres anonymes lui annonçant l'imminence du meurtre.
Et le troisième jour, derrière la façade des
convenances et du quotidien, le drame se produit. Antoinette Vague
est retrouvée dans son bureau, la gorge tranchée. Pour
Maigret, l'émotion est vive, car il éprouvait beaucoup
de sympathie pour la secrétaire de Parendon. Sa présence
presque permanente dans l'appartement des Parendon n'a pas suffi à
freiner le coupable.
Maigret interroge une nouvelles fois Paulette et Jacques Parendon.
Etudiants tous les deux, ils sont intelligents et sensibles. Ils vouent
une grande admiration à leur père et souffrent du fossé
qui sépare leurs parents. Certain qu'un drame allait se produire,
Jacques avoue être l'auteur des lettres anonymes.
Madame Parendon essaie de convaincre Maigret de la folie de son mari
et n'hésite pas à le désigner comme étant
l'auteur du meurtre. Le commissaire ne partage toutefois pas son avis
et croit, au contraire, que la femme du juriste projette ses propres
troubles sur celui-ci.
L'assassin sera identifié par un témoin qui, d'une maison
proche, a vu ce qui s'est passé dans l'appartement des Parendon
: l'épouse a tué la secrétaire. Maigret inculpe
Madame Parendon. Selon lui, elle a certainement agi par substitution
: en éliminant Antoinette Vague, elle atteignait son mari plus
sûrement qu'en le tuant lui-même.
On peut penser que Madame Parendon avouera sans opposer beaucoup de
résistance. Son mari, lui, se demande si son épouse
est vraiment responsable de son geste. Quant à Maigret, il
est heureux de ne pas avoir à trancher cette question. Les
termes de l'article 64 sont si vagues