Intrigue
Nous sommes au mois d'août. En raison de quelques petits ennuis
de santé, Maigret décide de prendre de vraies vacances.
Bien qu'il donne à la P. J. son adresse aux Sables-d'Olonne,
le commissaire reste toutefois, incognito, à Paris (France)
où il compte flâner à son aise en compagnie de
son épouse.
Incidemment, en lisant les journaux, Maigret apprend qu'on a découvert
le corps dénudé d'une femme dans le placard d'un cabinet
médical situé sur le boulevard Haussmann. La victime
se nomme Eveline Jave (vingt-huit ans). Son mari, Philippe (quarante-quatre
ans), médecin à la clientèle mondaine, est propriétaire
du cabinet dans lequel le crime a été commis. La mort
d'Eveline a été provoquée par une injection de
digitaline qui aurait été inoffensive si la jeune femme
n'était pas atteinte d'une maladie cardiaque.
L'affaire est d'autant plus curieuse qu'Eveline Jave n'était
pas censée se trouver ce samedi dans la capitale,
mais en vacances sur la Côte d'Azur en compagnie de sa fille
(trois ans), de la nurse de celle-ci, la revêche Mlle Jusserand
(cinquante ans) et de son époux, qui s'était fait remplacer
à Paris par son confrère Gilbert Négrel.
Bien entendu, le commissaire se passionne pour l'enquête qui,
en son absence, est conduite par l'un de ses inspecteurs, Albert Janvier.
Entre deux promenades dans Paris avec Mme Maigret, il se livre à
une lecture assidue des journaux. C'est ainsi qu'il prend connaissance
du fait que, le jour du drame, les Jave sont revenus secrètement
à Paris, chacun de leur côté et dans un avion
différent.
Personne n'a vu Eveline Jave le jour de sa mort. Ni la concierge,
ni la bonne (Josépha Chauvet), ni même le docteur Négrel,
qui a passé l'après-midi dans le cabinet de Philippe
Jave.
Malgré son envie, Maigret s'interdit de se montrer au Quai
des Orfèvres. Car bien sûr, en vacances, il ne saurait
être à Paris ! En revanche, il s'autorise à envoyer
de temps en temps des billets anonymes à Janvier afin de l'aider
à orienter ses recherches.
Quant à Philippe Jave, il déclare être venu à
Paris en croyant sa femme chez une amie à Saint-Tropez. Raison
pour laquelle il n'est passé ni à son domicile, ni à
son cabinet, mais est allé directement chez sa maîtresse,
Antoinette Chauvet, vingt-neuf ans, qui se trouve être aussi
la fille de la bonne.
Philippe Jave a un alibi, Gilbert Négrel, un mobile. Il a été
l'amant d'Eveline Jave et l'a quittée récemment pour
une brillante jeune femme de vingt-quatre ans. Martine Chapuis, fille
d'un juriste connu, est licenciée en droit et étudiante
en médecine. Si sa liaison avec Eveline venait à être
connue, cela pourrait mettre en péril ses fiançailles
avec Martine.
Maigret comprend que le comportement d'Eveline Jave, née Le
Guérec, est au centre de l'intrigue. A l'âge de treize
ans, l'adolescente découvre l'importance de sa maladie. Trois
ans plus tard, elle décide de profiter de la vie au maximum
et à Concarneau, sa ville natale compromet de
nombreux hommes mariés. Son père est bien heureux de
s'en débarrasser en la jetant dans les bras d'un médecin
parisien, étranger à toutes les rumeurs qui courent
au sujet d'Eveline, dont les
trophées de chasse s'accumulent.
Son mariage tourne rapidement à l'aigre. Délaissée
par son mari, puis par son amant, Eveline passe de la déception
à la frustration. Elle devient alors dépensière,
s'offre des bijoux de valeur et endette Philippe Jave.
Par ruse, Maigret réussit à savoir que l'alibi du docteur
Jave ne tient pas. En effet, celui-ci a été prévenu
du départ d'Eveline pour Paris par Mlle Jusserand, la nurse
qui, bien que plus âgée que son patron, n'en est pas
moins amoureuse. Tout en gardant l'anonymat, le commissaire fait part
de cette information capitale à Janvier.
Le jour de sa mort, Eveline se rend au cabinet de son mari où
elle sait que Gilbert Négrel consulte. Elle veut lui demander
de renoncer à Martine Chapuis. Ennuyé, Négrel
repousse les avances d'Eveline et quitte le cabinet plus tôt
que prévu. Ce n'est donc pas lui qui a tué son ancienne
maîtresse, bien qu'elle le harcelait.
Sitôt après le départ de Négrel, Jave fait
irruption dans le cabinet. Il tue sa femme, la déshabille et
l'enferme dans un placard afin de faire peser les soupçons
sur son confrère. Ce n'est qu'après un long et pénible
interrogatoire que le médecin fait des aveux complets.
Ainsi l'inspecteur Janvier, aidé par quelques coups de pouce
anonymes de Maigret, parvient à conclure seul sa première
enquête. Mais, pour montrer au commissaire qu'il n'a pas du
tout été dupe de son petit subterfuge, il lui adresse
une lettre anonyme sur laquelle il inscrit deux mots :
Merci, patron