Intrigue
Le 7 octobre, le colonel David Ward (soixante-trois ans), un richissime
homme d'affaires britannique est retrouvé noyé dans
sa baignoire de l'Hôtel George V (Paris, France), où
il occupe un appartement. Le docteur Frère, le médecin
appelé par l'hôtel, est d'avis qu'on l'a aidé
à mourir en lui maintenant la tête sous l'eau, ainsi
qu'en témoignent clairement les marques que le cadavre porte
au cou et aux épaules.
La nuit même de la mort de Ward, sa maîtresse, la comtesse
Palmieri (quarante ans) née Louise La Serte, devenue
italienne par son premier mariage avec le comte Marco Paverini, dont
elle est divorcée fait une tentative de suicide au gardénal.
Elle est transportée dans un hôpital, qu'elle quitte
au matin pour Nice.
La comtesse se réfugie chez Joseph (dit Jef) Van Meulen (entre
soixante-cinq et septante ans), le propriétaire d'une fabrique
de produits chimiques. Il est aussi son second mari, dont elle est
également divorcée.
Dans le but d'interroger la comtesse Palmieri, Maigret se rend à
Nice. Mais sur les conseils de Van Meulen, elle est déjà
repartie pour Lausanne.
Un entretien avec Van Meulen confirme au commissaire les renseignements
qu'il a recueillis à Paris auprès de John T. Arnold
(environ cinquante ans), un Anglais ami et bras droit du colonel Ward
depuis trente ans. A savoir que la comtesse et son premier mari, Marco
Paverini, se sont séparés malgré leur passion
l'un pour l'autre, parce qu'ils étaient tous deux à
court de ressources. Mais ils continuent de se voir et renouent quelques
fois leurs relations intimes.
A Lausanne, Maigret retrouve la comtesse. C'est une femme désemparée
qui proteste de son innocence. La veille du drame, la comtesse a surpris
Paverini au bras d'une riche mondaine. Tant par jalousie que par dépit,
elle a aussitôt voulu rompre avec le colonel Ward, alors que
celui-ci était sur le point de divorcer de sa troisième
femme afin de pouvoir épouser la comtesse une seconde fois
! Cette annonce provoque une dispute entre les deux amants et la comtesse
quitte le George V. Prise de remords et souhaitant se réconcilier
avec le colonel elle revient peu de temps après à
l'hôtel. Mais Ward est mort et, prise de panique, elle a tenté
de se suicider.
Pour Maigret, il est évident que la comtesse est beaucoup trop
frêle pour réussir à maintenir sous l'eau un corps
comme celui de Ward. D'ailleurs quel mobile aurait-elle eu pour tuer
son amant, qui est surtout son
protecteur et qu'elle est toujours
sans ressources ? Qu'elle ait cédé au désespoir
en découvrant le cadavre du colonel est plausible.
Ne soupçonnant pas la comtesse, le commissaire procède
par élimination. A ce jeu, l'ami de toujours, John T. Arnold
devient le suspect idéal. De retour à Paris, Maigret
rôde dans l'hôtel George V et dans ses alentours durant
une bonne partie de la nuit. Il cherche un mobile valable au meurtre.
Le secrétaire du colonel est un homme sans fortune personnelle
et sans avenir, en dehors de son état de domestique de luxe.
Le commissaire parvient à découvrir que John T. Arnold
est - secrètement - en relation avec l'épouse de Ward.
Et le colonel est en instance de divorce. Quelle relation Arnold entretient-il
avec Mme Ward ? Maigret ne le sait pas. Mais il imagine. Si Arnold
tue son maître avant que soit prononcé le divorce, c'est
Mme Ward qui hérite de la fortune du colonel. Et si Arnold
sait se faire aimer de Mme Ward, alors il accède au luxe dont
il a toujours rêvé.
Mais ce n'est là qu'une supposition. Maigret n'a aucune preuve.
Aussi décide-t-il de jouer la comédie de la certitude.
Le 9 octobre, il convoque dans son bureau du Quai des Orfèvres
toutes les personnes qui ont côtoyé David Ward ou qui
auraient pu apercevoir l'assassin.
Arnold craque et ne tarde pas à avouer qu'il est le meurtrier.
Au grand soulagement de Maigret, dont le plan aurait pu échouer,
si son adversaire avait fait preuve d'un peu plus de flegme britannique
!