Remarque(s)
L'essai porte un sous-titre : portraits.
Les Ridicules ! est la troisième
tentative littéraire
de Simenon (par opposition à ses écrits journalistiques
et à ses contes
galants), après
Au
pont des Arches et
Jehan
Pinaguet, mais la seconde à sortir de presse. L'expression
prend ici toute sa saveur puisque c'est l'auteur lui-même qui
compose ce fascicule à la main à la « Gazette
de Liège » et l'imprime sur du très beau papier
à la presse à bois. Dans
Point-virgule
(1979), Simenon dit en avoir donné un
à chacune de
[ses]
victimes, c'est-à-dire dix ou douze en tout. Cinquante-huit
ans après, en citant de mémoire un texte dont il ne
possède plus un seul exemplaire, Simenon se trompe.
Ses
victimes ne sont en effet que quatre et le tirage n'a pas dû
excéder six exemplaires, l'un d'eux étant réservé
à Régine Renchon, sa fiancée et future première
épouse. La plaquette porte d'ailleurs une dédicace imprimée
:
A ma Régine, pour ses étrennes. Le texte est
suivi de l'indication
24-25 novembre 1921. La plaquette a très
certainement été tirée à ces dates, l'auteur
devant effectuer son service militaire en Allemagne dès le
début du mois suivant.
Vu son tirage confidentiel et les moyens utilisés pour la produire,
la plaquette n'a pas été commercialisée. Elle
a d'ailleurs vu le jour dans de mauvaises circonstances, soit peu
avant le décès brutal et prématuré du
père de Simenon.
On peut mesurer la réaction des
victimes impliquées
dans
Les ridicules ! par le fait que leurs ayants droit ou
parents n'ont jamais trouvé trace de cette curiosité
bibliophilique dans leur héritage. Il semblerait d'ailleurs
que le seul exemplaire à avoir
survécu soit celui
de Régine Renchon, aujourd'hui conservé par le Fonds
Simenon de l'Université de Liège (Belgique).
En 1975, lorsque Simenon autorise Francis Lacassin à rééditer
aux Editions d'Aujourd'hui son premier roman
Au
pont des Arches, il s'émerveille du résultat
obtenu et de la possibilité de faire revivre les livres morts
ou perdus. Il suggère alors lui-même la publication de
Jehan
Pinaguet, son deuxième roman, achevé le
6 avril 1921 et resté inédit jusque-là. Celui-ci
n'existant que sous forme dactylographiée, le projet est abandonné.
Simenon propose alors de rééditer
Les ridicules !
en fac-similé (comme ce fut le cas pour
Au
pont des Arches). Mais il s'avère que le seul exemplaire
existant appartient à sa première femme et Simenon ne
souhaite pas le lui emprunter en raison de l'ancien contexte affectif
dans lequel cette plaquette est née. Le projet est lui aussi
abandonné.
Il faudra attendre quinze ans pour que s'accomplisse la résurrection
de ces trois textes arrachés au passé. En effet, en
1991, les Presses de la Cité rééditent en un
volume
Au
pont des Arches et
Les ridicules, auxquels est
ajouté
Jehan
Pinaguet. Chacun de ces trois textes
écrits
par Simenon entre 1920 et 1921
apporte sa révélation pour retracer la genèse
du talent de l'auteur.