La folle d'Itteville
Nouvelle

  • Rédaction
    A bord de l'Ostrogoth, Morsang-sur-Seine (Seine-et-Oise, aujourd'hui Essonne, France), en mai 1931.
    Selon le livre de comptes de Simenon : en juin 1931 (pour la série G.7).


  • Manuscrit
    [ ? ].
    Le manuscrit est intitulé Les deux cadavres, mais ce titre n'a toutefois pas été retenu pour l'édition.


  • Publication d'une préoriginale
    Aucune.


  • Edition originale
    Achevé d'imprimer : pas d'achevé d'imprimer [août 1931].
    Paris, Jacques Haumont ; 18 x 13,5 cm, non paginé [128 pages] ; illustrations (photographies de Germaine Krull), couverture illustrée en couleurs (G. Krull).
    Collection « Phototexte ».
    Pas de grands papiers, ni de tirage numéroté.

    La folle d'Itteville est un volume dont le tirage n'est pas mince (25'000 exemplaires), mais les exemplaires sans défaut sont rares.


     

     

    La folle d'Itteville, 1931.
    Edition originale.



  • Réédition(s) en français
    Aucune [ ? ].


  • Edition(s) collective(s) en français
    Liste non exhaustive

    In Œuvres complètes (Lausanne, Editions Rencontre, 1967-1973) - tome VI
    In Tout Simenon (Paris, Presses de la Cité, 1988-1993) - tome 18.
    In Tout Simenon (Paris, Omnibus, 2002-2004) - tome 18.


  • Traduction(s)
    Liste non exhaustive

    En allemand :
    [ ? ] : [ ? ].

    En anglais :
    [ ? ] : The Madwoman from Itteville [ ? ] (première édition américaine).
    [ ? ] : [ ? ] (première édition anglaise).

    En italien :
    [ ? ] : [ ? ].


  • Remarque(s)
    La folle d'Itteville a été réalisé en collaboration avec Germaine Krull (1897-1985), qui fut l'une des plus grandes photographes de l'entre-deux-guerres.

    Le 4 août 1931, Georges Simenon, Jacques Heaumont et Germaine Krull, donnent une fête à bord de l'Ostrogoth pour arroser le lancement de la collection « Phototexte » avec La folle d'Itteville. Le 15 août à Deauville, durant toute la journée, séance de dédicaces à la terrasse du Bar du Soleil. Si le lancement de la série est tonitruant, la suite le sera hélas beaucoup moins.

    En effet, La folle d'Itteville — une nouvelle dans laquelle évolue l'inspecteur Sancette (dit G.7) — combine texte et image. Elle inaugure une collection très originale, qui s'arrêtera néanmoins aussitôt après l'échec commercial du premier numéro.

    Dès lors, L'affaire des 7' (par Georges Simenon et Germaine Krull), une nouvelle dont on annonçait la publication prochaine sur le dernier plat de la couverture de La folle d'Itteville, n'a pas paru.

    Le texte ayant néanmoins été rédigé, il sera publié en 1938 par Gallimard dans un recueil de nouvelles intitulé Les sept minutes (collection « La renaissance de la nouvelle »), sous le titre La nuit des sept minutes.


  • Intrigue
    Vers minuit, l'inspecteur G.7 de la P. J. parisienne est alerté par un brigadier de gendarmerie : il se passe quelque chose à Itteville (Essonne, France). Quatre heures plus tard, après avoir roulé cinquante kilomètres sous une pluie battante au volant de sa vieille Citroën 5 CV, G.7 arrive sur place, au carrefour du Cheval Mort. Des champs à gauche. Des champs à droite. Une maison entourée d'un mur, tapie dans la verdure. Deux chemins, dont un complètement défoncé, qui se croisent.

    Le pays est calme. Les agriculteurs sont des gens paisibles. La seule maison de ce carrefour est habitée, depuis trois ou quatre ans, par une drôle de personne… La demoiselle blonde, comme on l'appelle dans la région. Une jeune femme très jolie, très élégante, qui vit toute seule et qu'on ne voit presque jamais.

    Comme tous les vendredis, à neuf heures et demie, Tabarot, le receveur des postes — un homme sérieux — revient de Ballancourt, où il est allé jouer aux cartes chez le receveur de l'enregistrement. A cent mètres de la maison isolée, une femme crie au secours et lui demande d'aller chercher les gendarmes, un médecin…

    Dans une ornière, la femme qui a appelé est à genoux. C'est la demoiselle blonde. Devant elle, un cadavre. Tabarot, s'approche. Un homme est étendu sur la route. Le receveur avance la main et tâte la poitrine. Il reconnaît le docteur Canut, qui ne respire plus. Son corps est déjà rigide.

    Tabarot se rend au poste et revient une demi-heure plus tard avec trois gendarmes : la jeune femme est toujours là. Le cadavre aussi, mais ce n'est plus le même. C'est celui d'un homme d'environ trente ans. Il a reçu un coup de couteau et ne ressemble pas du tout au docteur Canut, l'homme le plus connu de la région. La demoiselle blonde n'a pas l'air de comprendre. Elle fixe les gendarmes avec des yeux troubles, comme une folle. Elle ne sait pas ce qui s'est passé. Elle a entendu crier, elle a accouru. Puis, plus rien. Elle n'a pas vu l'assassin ; elle ne sait pas si on est venu ensuite changer le corps.

    Le témoignage de Tabarot est perçu avec beaucoup de méfiance. D'ailleurs, la police établit rapidement que le docteur Canut n'est pas mort et qu'au moment présumé du drame, il se trouvait à La Ferté-Alais, un village situé à six kilomètres du carrefour du Cheval Mort, pour accoucher la femme du cordonnier.

    La première démarche de G.7 consiste à interroger le docteur Canut, qui habite une maison qui jouxte la clinique dans laquelle il travaille et dont il est propriétaire. Il affirme ne pas être passé par le carrefour du Cheval Mort le soir du drame et reconnaît avoir pour patiente la demoiselle blonde, qui se nomme Marthe Templier. Il la voit une fois par semaine. Non pas qu'elle soit malade à proprement parler, mais elle craint de devenir folle. Il y a eu des cas dans sa famille ; elle, tout au plus, donne des signes d'agitation. Rien, cependant, qui ne justifie un traitement.

    Le docteur Canut a examiné le mort : foie d'alcoolique et dentition en mauvais état. La lame du couteau a pénétré entre les omoplates, de haut en bas, et a atteint le cœur. La mort a été instantanée. L'individu n'est pas connu dans la région. Dans le parc de la clinique, on compte cinq petits bâtiments. Le corps a été déposé dans l'un d'eux, un pavillon réservé aux cas de delirium tremens et aux morts. Le médecin appelle une infirmière et lui demande de conduire G.7 au pavillon R, au fond du parc. C'est une construction en vieilles briques qui a dû jadis servir d'écurie.

    Les murs sont crépis à la chaux et une large fenêtre est ouverte. Un lit de camp est recouvert d'un drap livide, mais il n'y a personne dessus. Le cadavre a disparu. Par terre, G.7 ramasse une photographie : on y voit une jeune fille blonde, jolie et délicate, qui sourit mélancoliquement à l'objectif. En dessous, deux mots, à l'encre : Affectueusement, Wanda.

    G.7 annonce au docteur Canut qu'il le reverra en fin de journée, lorsque son enquête sera terminée. Entre-temps, il se rend au carrefour du Cheval Mort pour y interroger Marthe Templier. Il se montre calme et incisif, demande à la jeune femme si elle ne se prénomme pas Wanda et si elle n'est pas la maîtresse du docteur Canut. Celle-ci ne comprend pas. Ou feint de ne pas comprendre et fond en larmes dans les bras de sa femme de ménage, Mathilde, une petite paysanne entre deux âges et toujours habillée de noir.

    Pour cette enquête, comme pour bien d'autres [NDLR : voir la nouvelle intitulée « G.7 »], G.7 est accompagné par un ami — journaliste et romancier — auquel il confie le soin de surveiller la maison et sa propriétaire, tout en étant attentif à ce qui passera dans les champs alentours où sont plantés une dizaine d'épouvantails.

    Durant l'après-midi, les événements se précipitent : Marthe Templier, un revolver à la main, manque de tirer sur l'ami de G.7 tandis que l'inspecteur, dans les champs boueux du carrefour du Cheval Mort, procède à l'arrestation du docteur Canut, après que celui-ci ait tenté de se noyer dans un marécage.

    Il y a environ trois ans, un jeune homme, prénommé Boris et prétendant appartenir à une grande famille slave, lui apprend qu'il s'est expatrié en France, après avoir conspiré contre son pays. Il s'est enfui en emportant une grosse somme d'argent et sa sœur, Wanda, l'a suivi jusqu'à Paris.

    Wanda n'a jamais été normale : si sa croissance physique n'a posé aucun souci, sa formation intellectuelle s'est en quelque sorte arrêtée à cinq ans. Si bien qu'à vingt ans, elle a une mentalité de petite fille. De nombreux professeurs étrangers ont été consultés et tous ont parlé du docteur Canut comme le seul médecin capable de la guérir.

    Wanda et Boris se sont donc installés au carrefour du Cheval Mort. Le jeune homme était rarement à la maison. Le docteur est venu chaque semaine, puis deux fois par semaine. Au fil des visites, Wanda se prend d'affection pour son médecin. Pendant deux ans, le docteur sous-estime les sentiments de la jeune femme et ne se passionne que pour l'expérience clinique qu'il tente et espère réussir.

    Une première fois, Boris demande de l'argent au docteur. Il attend un mandat qui est en retard. Canut paie. Le jeune homme revient à la charge, déclare qu'il va partir à l'étranger avec sa sœur. Canut paie toujours et Boris finit par vivre des subsides que celui-ci lui alloue.

    Il y a un an, le docteur Canut se rend compte qu'il s'attache lui-aussi à sa patiente, qui devient sa maîtresse. Boris en profite pour demander des sommes d'argent de plus en plus importantes. Wanda ne joue pas la comédie. Elle souffre véritablement d'un retard mental et ne peut en aucun cas être tenue pour complice de son frère.

    Canut qui, jusque-là n'a vécu que pour sa femme, ses enfants, sa clinique et sa médecine, est peu à peu effrayé par la communion qui naît entre lui et Wanda. Deux jours avant les faits qui ont conduit G.7 à Itteville, Canut participe à un congrès international de médecine à Paris. Il parle à ses confrères de la cure entreprise et de la jeune femme qui en est l'objet. Un psychiatre de Vienne l'approche et lui demande des renseignements sur sa patiente. Canut montre une photo et l'Autrichien reconnaît Wanda. Il révèle alors à Canut qu'il a été dupé pendant un an par Boris, qui n'est pas le frère de la jeune femme blonde, mais un vague cousin devenu son amant et qui vit d'elle… Escroquerie au cas clinique !

    Le soir du drame, Canut refuse de céder au chantage de Boris. Lorsque le médecin quitte la maison, le jeune homme le suit et l'assomme. Il est étendu par terre et Wanda vient à son secours. C'est à ce moment que passe Tabarot, le receveur des postes. Une fois celui-ci remonté sur son vélo pour aller chercher les gendarmes, Boris revient vers Canut dans le but de l'achever, mais Wanda le poignarde. Canut se rend alors à la Ferté-Allais pour accoucher la femme du cordonnier, puis revient à la clinique où les gendarmes lui apportent le corps de Boris. Le médecin fait lui-même disparaître le cadavre en le cachant dans l'un des épouvantails qui trônent dans les champs bordant la maison de sa maîtresse.

    Sentant que G.7 va découvrir le pot aux roses, Canut panique et se rend au carrefour du Cheval Mort. Il tente d'abattre l'inspecteur pendant que celui-ci fouillent les épouvantails, puis de se suicider.

    Durant le mois qui suivit ces événements, G.7 et son ami ne se rencontrent pas. Lorsqu'ils se revoient, l'inspecteur confie au romancier que la justice ne s'est pas occupée du docteur Canut. Celui-ci est chez lui à Itteville, entouré de sa femme, de ses enfants, de ses infirmières, de ses malades, et travaille comme un forcené. Finie, la grande passion. On parle de se tuer, on est prêt à bouleverser le monde, puis… on rentre chez soi. Il y a les petites habitudes, les pantoufles, le rapport à l'Académie de médecine et la prochaine promotion dans la Légion d'honneur

    — Et Wanda ?

    Elle n'a pas été poursuivie non plus, parce qu'irresponsable, mais internée à Sainte-Anne. En rougissant un peu, G.7 ajoute qu'il va la voir deux fois par semaine…


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