Marc Simenon commente la décision prise par son père de cesser d'écrire (une décision que l'auteur a expliquée à Henri-Charles Tauxe, dans une interview exclusive accordée au quotidien lausannois « 24 heures » le mercredi 7 février 1973) :

Marc Simenon nous explique la décision de son père
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« Il n'a jamais manqué de faire table rase... »

La décision spectaculaire de Georges Simenon de renoncer à écrire continue de susciter des commentaires divers dans la presse écrite et radiotélévisée. On s'interroge à l'envi sur les raison qui ont poussé le père de Maigret à déclarer dans le journal « Vingt-quatre heures » qu'il allait « tirer un trait pour se retrouver lui-même et s'asseoir dans un fauteuil pour se raconter des histoires qu'il oublierait aussitôt ». Nous avons pu, à l'occasion de son passage à Bruxelles, interroger à ce sujet le fils de l'écrivain, le cinéaste Marc Simenon qui était accompagné de son épouse l'actrice Mylène Demongeot.

— La décision de votre père a surpris tout le monde. A votre avis, qu'est-ce qui peut la motiver ?

— Je vous avoue que je savais la chose depuis longtemps, mais je ne pensais pas qu'il l'annoncerait d'une façon aussi officielle. Pour le reste, la radio et la T.V. ont tout dit.

— Peut-on invoquer des raisons privées ?

— Non. Il a 70 ans et il a des problèmes de santé comme tout le monde. On ne peut pas oublier qu'il a toujours écrit d'une façon surprenante, sur un rythme impossible. (Un chapitre par jour, retapé le soir même à la machine : récemment il écrivait directement à la machine.) Cette trop grande discipline a été déconseillée par les médecins. Mais cette désicion correspond aussi très bien au caractère de mon père, qui a changé vingt fois d'habitation dans sa vie et qui se sent toujours le besoin de changer de peau, d'inaugurer une nouvelle période.

— Va-t-il changer de genre littéraire ?

— Je ne sais pas s'il faut prendre la nouvelle dans ces termes, peut-être en effet n'écrira-t-il plus comme il a écrit, et suivra-t-il son propre plaisir. Mon père est un homme aux décisions parfois brutales, qui n'a jamais manqué de faire table rase. Enfin, jusqu'à maintenant il est resté fidèle à Maigret.

— Craignait-il un insuccès commercial ?

— Pas du tout. Son dernier Maigret a rencontré un franc succès.

— Peut-on penser à des raisons religieuses ?

C'est Mylène Demongeot qui répond :

— Sûrement pas, c'est beaucoup plus simple que cela. On ne peut pas éternellement s'isoler du monde extérieur pour écrire trois ou quatre romans par ans. Et puis, vous savez, Simenon a énormément vécu. Il a fait le tour du monde. Il faut croire que sa vie de romancier à succès ne lui apportait plus rien et qu'il a voulu prendre ses distances par rapport aux choses. C'est une évolution naturelle chez un être humain qui, faut-il le rappeler, n'a pas hésité à quitter sa grande maison isolée, et à abandonner toute forme de luxe pour revenir à une vie plus normale à la ville.

— Comment se porte-t-il à l'heure actuelle ?

— Il ne faut pas s'alarmer. Il sortira bientôt de la clinique où il se repose et il viendra à Paris pour fêter ses 70 ans.


Après avoir pris la décision de cesser d'écrire des romans, Simenon donnera à son éditeur (Les Presses de la Cité) vingt-et-une Dictées et ses Mémoires intimes.