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| Alain-Fournier
Repères biographiques |
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Le 1er juin 1905,
jour de l'Ascension, Henri-Alban Fournier (il prendra
en littérature le demi-pseudonyme d'Alain-Fournier),
alors âgé de 18 ans, vient de visiter le
« Salon de la Nationale » au Petit Palais,
à Paris. En descendant l'escalier de pierre,
son regard croise celui d'une grande jeune fille blonde,
élancée et élégante : Yvonne
de Quiévrecourt. Il la reverra quelques jours
plus tard et pourra échanger avec elle quelques
mots. Hélas pour le jeune étudiant, Yvonne
de Quiévrecourt est fiancée et son destin,
tout tracé.
Cette rencontre, dont il a noté tous les détails,
va déterminer la vie entière d'Alain-Fournier.
Il la transposera quasi littéralement dans Le
Grand Meaulnes.
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Alain-Fournier est l'homme d'un seul
livre, et rares sont les adolescents qui ne rêvent,
leur vie entière, à ce domaine mystérieux,
dont Le
grand Meaulnes nous offre les clefs,
entre les jardins, les chemins creux et les étangs
de la Sologne.
Quelque chose désespérément
me réclame et toutes les routes de la terre m'en
séparent, disait Alain Fournier ; et cette
phrase se fût appliquée aussi bien à
l'écrivain qu'à tous les acteurs du Grand
Meaulnes, à Augustin, à
Yvonne de Galais, la femme aimée qui s'en est
allée.
Source : En étrange pays,
France Culture, 29 mars 2002
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Repères biographiques
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Alain-Fournier naît le 3 octobre
1886 d'Henri-Alban Fournier ( il prendra en littérature
le demi-pseudonyme d'Alain-Fournier) à la Chapelle-d'Angillon
(Cher, France). Fils d'instituteurs, il passe son enfance
dans le sud du Berry.
En 1891, son père est nommé à l'école
d'Epineuil-le-Fleuriel. Alain-Fournier y sera son élève
jusqu'en 1898, avant d'entrer en sixième, comme
pensionnaire au lycée Voltaire à Paris.
En 1901 il songe à devenir marin et rentre en
seconde au lycée de Brest pour se préparer
à l'Ecole Navale. Finalement, il renonce à
ce projet.
En janvier 1903, il passe son baccalauréat au
lycée de Bourges et, en octobre, va préparer
l'Ecole Normale Supérieure au lycée Lakanal
à Sceaux. C'est là qu'il rencontre Jacques
Rivière qui devient son meilleur ami (puis son
beau-frère lorsqu'il épousera, en 1909,
sa sur Isabelle, de trois ans sa cadette). Ils
échangeront jusqu'en 1914 une importante et passionnante
correspondance, dans laquelle revivent l'ardeur de leurs
préoccupations intellectuelles, sentimentales
et spirituelles.
En 1905, Alain-Fournier rencontre cette jeune femme
qui illumine sa vie et qu'il n'oubliera jamais. Ce jour
du 1er juin, il la suit sur le Cours-la-Reine, puis
sur un bateau mouche où elle s'embarque et enfin
l'accompagne à distance jusqu'à sa maison
du boulevard Saint Germain. Il revient plusieurs fois
sous ses fenêtres et sa persévérance
sera récompensée.
Le 10 juin, il aperçoit derrière la vitre
le visage de la jeune fille. Surprise, mais souriante.
Le lendemain 11 juin, jour de la Pentecôte, il
est encore là, tôt le matin et la jeune
fille sort de cette maison, un livre de prières
à la main. Avant qu'elle ne monte dans le tramway
il l'accoste et murmure : Vous êtes belle.
Rabroué mais non dépité, il la
suit jusqu'à l'église Saint-Germain des
Près. A la fin de la messe, il l'aborde à
nouveau et c'est la grande, belle, étrange
et mystérieuse conversation entre deux êtres
qui, jusqu'au pont des Invalides vont laisser vivre
leur rêve. Avant de se perdre dans la foule, elle
se retourne vers celui qu'elle vient de quitter et à
qui elle a demandé de ne pas la suivre. Une dernière
fois, elle le regarde longuement.
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Alain-Fournier,
en 1905
Jean-Pierre Guéno et Alain Rivière,
La mémoire du Grand Meaulnes (Paris, Robert
Laffont, 1995)
(photo : droits réservés) |
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En 1906, le jour anniversaire de
l'Ascension, Alain-Fournier guette vainement la jeune
femme sur Le Cours-la-Reine et confie le soir même
à Jacques Rivière : Elle n'est pas
venue. D'ailleurs fut-elle venue, qu'elle n'aurait pas
été la même. Cette année-là,
il échoue au concours d'entrée à
l'Ecole Normale.
En 1907, au terme d'une ultime année de Khâgne
au lycée Louis Le Grand, il échoue de
nouveau à l'Ecole Normale. Il apprend également
le récent mariage d'Yvonne de Quiévrecourt.
En 1908, Alain-Fournier fait son service militaire :
après le peloton d'élève-officier
à Laval, il est nommé sous-lieutenant
à Mirande (Gers). Toujours hanté par le
souvenir d'Yvonne, il écrit quelques poèmes
et essais qui seront repris plus tard sous le titre
Miracles.
En 1910, son service militaire terminé, Alain-Fournier
cherche un emploi et trouve, en avril, un poste de rédacteur
à « Paris-Journal ». Il a une liaison
avec Jeanne Bruneau (originaire de Bourges), une modiste
de la rue Chanoinesse. Il se donne tout entier à
elle, mais elle ne le comprend pas. Le 19 octobre, il
écrit à Jacques et sa sur : C'est
fini. Ils se reverront pourtant et la rupture définitive
ne se produira qu'au mois d'avril 1912. Alain-Fournier
confiera dans sa correspondance : J'ai fait tout
cela pour me prouver à moi-même que je
n'avais pas trouvé l'amour. Dès lors,
Alain-Fournier s'installe rue Cassini et se lance dans
l'écriture du Grand
Meaulnes.
En 1912, il quitte la rédaction de « Paris-Journal
» et devient le secrétaire de Claude Casimir-Perier,
avant d'entamer avec la femme de ce dernier, la célèbre
actrice Madame Simone de son vrai nom Pauline
Benda une liaison plutôt orageuse.
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Alain-Fournier,
en 1913
Jean-Pierre Guéno et Alain Rivière,
La mémoire du Grand Meaulnes (Paris, Robert
Laffont, 1995)
(photo : droits réservés) |
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Au début de 1913, Alain-Fournier
achève Le
grand Meaulnes, qui paraît d'abord
en
feuilleton dans « La Nouvelle Revue française
», puis en
volume chez Emile-Paul. Sélectionné
pour le prix Goncourt, Le
grand Meaulnes obtient cinq voix au dixième
tour de scrutin (alors qu'il lui en suffisait de six
pour avoir le prix). Pourtant, au onzième tour,
c'est Le peuple de la mer de Marc Elder qui décroche
le Goncourt.
A fin juillet 1913, huit ans après l'épisode
du Grand Palais, Alain-Fournier rencontre une dernière
fois Yvonne, grâce à la sur de celle-ci,
Jeanne de Quiévrecourt. Yvonne de Vaugrigneuse
est désormais mère de deux enfants. Alain-Fournier
la quitte donc pour toujours et noie son chagrin auprès
de Madame Simone.
En début d'année 1914, Alain-Fournier
ébauche une pièce de théâtre,
La maison dans la forêt, et commence
un nouveau roman, Colombe Blanchet, qui restera
inachevé.
Mobilisé dès la déclaration de
guerre, en août, Alain Fournier rejoint le front
comme lieutenant d'infanterie. Le 22 septembre, il est
tué dans le bois de Saint-Remy, près de
Saint-Remy la Calonne, à la tête d'une
section d'infanterie. Il n'avait pas encore vingt-huit
ans. Porté disparu avec vingt de ses compagnons
d'armes, son corps a été découvert
dans une fosse commune où les Allemands l'avaient
enterré. Il a été identifié
en novembre 1991 et est maintenant inhumé dans
le cimetière militaire de Saint-Remy la Calonne
(Meuse).
Alain-Fournier transpose dans Le
grand Meaulnes les souvenirs de son enfance,
de son adolescence et de sa brève idylle. Comme
Eugène Fromentin dans Dominique, ou Gérard
de Nerval dans Sylvie, il mêle aux notations
réalistes la poésie née de son
existence intérieure. Il donne une forme à
d'anciens rêves, décrit les séductions
de l'aventure, la ferveur du premier amour; il laisse
aussi entrevoir les déceptions qu'apporte la
vie et suggère qu'il est impossible à
l'homme de préserver l'idéal imaginé
dans l'élan de la jeunesse :
Le héros de mon livre est un homme dont l'enfance
fut trop belle. Pendant toute son adolescence, il la
traîne après lui. Par instants, il semble
que tout ce paradis imaginaire qui fut le monde de son
enfance va surgir. Mais il sait déjà que
ce paradis ne peut plus être. Il a renoncé
au bonheur. (Lettre à Jacques Rivière,
4 avril 1910.)
Source : La
biographie d'Alain-Fournier
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Alain-Fournier,
en 1909
Jean-Pierre Guéno et Alain Rivière,
La mémoire du Grand Meaulnes (Paris, Robert
Laffont, 1995)
(photo : droits réservés) |
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