Lettre à Maigret pour son cinquantième anniversaire, 1979
Lettre

  • Rédaction
    Lausanne (Vaud, Suisse), en septembre 1979 [ ? ].


  • Manuscrit
    [ ? ].


  • Publication d'une préoriginale
    In « Nouvel Illustré » (hebdomadaire), n° 40 du 3 octobre 1979 ; pp. 188-120 ; illustrations (photos et fac-simile de la lettre adressée à Maigret).
    Pas de grands papiers, ni de tirage numéroté.


      « Lettre à Maigret pour son
    cinquantième anniversaire, 1979 ».
    Edition préoriginale.






  • Edition originale
    In La vraie naissance de Maigret, de Francis Lacassin.
    Achevé d'imprimer : septembre 1992.
    Monaco, Editions du Rocher ; 22,5 x 14 cm, 168 pages.
    Pas de grands papiers, ni de tirage numéroté.


     
    Francis Lacassin, La vraie naissance de Maigret, 1992.
    Contient : Lettre à Maigret pour son cinquantième anniversaire, 1979.
    Edition originale.


  • Contexte
    Cet adieu est le dernier des huit textes que Simenon a consacrés à son personnage préféré et dans lequel il martèle, encore une fois, la légende de sa naissance, telle qu'il l'avait officialisée en mars 1966 dans le premier volume des Œuvres complètes, publiées aux Editions Rencontre (Lausanne) et dirigées par Gilbert Sigaux.


  • Remarque(s)
    Lire aussi les notices suivantes :

    Maigret reprend du du service (1934) ;
    A la retraite, le commissaire Maigret ! (1937) ;
    Un frère aîné de Maigret (1963) ;
    La naissance de Maigret (1966) ;
    Simenon, répondez ! (1952).


  • Texte intégral
    Lausanne, le 26 septembre 1979.

    M. et Mme Maigret
    Retraités

    F - Meung-sur-Loire


    Mon cher Maigret,

    Vous allez probablement être étonné de recevoir une lettre de moi, alors que nous nous sommes quittés il y a environ sept ans. Cette année est le cinquantième anniversaire du jour où, à Delfzijl, nous avons fait connaissance. Vous aviez, environ, quarante-cinq ans. Moi, j'en avais vingt-cinq. Mais vous avez eu de la chance, par la suite, de passer un certain nombre d'année sans vieillir. Ce n'est qu'à la fin de vos aventures et de nos rencontres que vous avez atteint l'âge de cinquante-trois ans, car la limite d'âge, à cette époque, était, pour les policiers, même pour le commissaire divisionnaire que vous étiez, de cinquante-cinq ans.

    Quel âge auriez-vous donc aujourd'hui ? Je n'en sais rien, étant donné ce privilège dont vous avez si longtemps profité. Par contre, moi j'ai vieilli, beaucoup plus vite que vous, comme le commun des mortels, et j'ai maintenant largement dépassé mes soixante-seize ans. Je ne sais pas si vous habitez toujours votre petite maison de campagne de Meung-sur-Loire et si vous pêchez encore à la ligne ; si coiffé d'un large chapeau, vous vous occupez toujours de votre jardin ; si Mme Maigret vous mijote toujours ces petits plats que vous aimez et s'il vous arrive, comme cela m'arrivait à moi, à votre âge, d'aller jouer aux cartes au bistrot du village.

    Nous voilà tous les deux retraités et, je l'espère pour vous, savourant l'un comme l'autre, les moindre petites joies de la vie, humant l'air dès le matin, observant avec curiosité la nature et les êtres autour de nous.

    Je tenais à vous souhaiter un bon anniversaire, à vous et à Mme Maigret. Dites-lui que grâce à un certain M. Courtine [NDLR : auteur des Recettes de Mme Maigret - Paris, Laffont, 1974], qui pourrait mériter le titre de roi des gastronomes, ses recettes de cuisine ont fait le tour du monde et que, par exemple, que ce soit au Japon ou en Amérique du Sud, des gourmands ne manquent pas de mettre quelques gouttes de prunelle d'Alsace dans leur coq au vin.

    Quant à vos successeurs au quai des Orfèvres, il y a en a beaucoup qui ont adopté votre démarche et vos manies et certains d'entre eux, même après leur retraite, ont écrits leurs Mémoires en faisant suivre leur nom de la mention alias commissaire Maigret.

    Vous l'avez bien mérité. Je vous embrasse avec émotion, vous et Mme Maigret qui ne se doute probablement pas que beaucoup de femmes l'envient, que beaucoup d'hommes voudraient avoir épousé une femme comme elle et qu'une charmante Japonaise, entre autres, joue son rôle à la télévision, tandis qu'un Japonais se prend pour vous.

    Affectueusement,
    Georges Simenon.



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