Intrigue
Dans le XIIIe arrondissement de Paris (France), la vaste salle de
Police-Secours est équipée d'un monumental plan de la
ville. Tous les carrefours de la capitale sont équipés
d'appareils peints en rouge, avec une glace qu'il suffit de briser
pour être automatiquement en rapport téléphonique
avec le poste de police du quartier en même temps qu'avec le
poste central. A chaque appel, une pastille rouge s'allume sur le
plan de Police-Secours et l'homme de garde entend au même instant
ce que le brigadier du poste de police le plus proche dit à
la personne en détresse.
Toute la journée, toute la nuit, la vie dramatique de Paris
vient ainsi s'inscrire en petites lumières sur un mur ; aucun
car, aucune patrouille ne sort d'un des commissariats sans que la
raison de son déplacement soit signalée au centre.
Daniel, le neveu du commissaire Maigret, fait partie de ces hommes
qui, jours et nuits, enregistrent et traitent les appels au secours
qui marquent le quotidien de la capitale. Ce soir-là, Maigret
attend un coup de téléphone de Londres au sujet d'un
escroc international, appelé le Commodore, que ses inspecteurs
ont repéré dans un palace des Champs-Elysées.
Plutôt que de rester seul dans son bureau du Quai des Orfèvres,
il a traversé la rue et est venu bavarder un moment avec son
neveu, qui est de garde.
Un peu après vingt-deux heures, un appel provient du carrefour
des Lamarck et Caulaincourt. Au bout du fil, la voix crie des injures,
puis on entend un coup de feu et plus rien.
M
pour les flics !
Cela n'est pas sans rappeler à Maigret l'enquête au cours
de laquelle le Polonais Stan-le-Tueur (voir la
nouvelle
qui porte le titre éponyme), sur le point d'être arrêté,
avait téléphoné au commissaire pour l'injurier
avant de se donner la mort. En vingt ans de carrière, c'était
la première fois qu'un tel fait se produisait. Et voilà
que, six mois plus tard, le même événement semble
se reproduire.
Pour en avoir le cur net, le commissaire se fait aussitôt
conduire sur le lieu de l'appel. Les agents de la rue Damrémont
sont déjà sur place. Le brigadier Dambois se tient près
du corps inerte d'un homme qui s'est tiré une balle dans le
crâne. Le revolver, un Browning, se trouve près de lui.
L'hypothèse du suicide semble la plus probable.
Un médecin du voisinage, alerté immédiatement
après la détonation, ne peut que constater le décès
: la mort a été instantanée. Dans le pardessus
de la victime, Dambois a retiré un portefeuille contenant six
cents francs, la photo d'une femme et une carte d'identité
au nom de Michel Goldfinger (trente-huit ans), courtier en pierres
précieuses. La poche intérieure du portefeuille cache
également un morceau de papier de soie dans lequel scintillent
une dizaine de petits diamants non montés.
L'inspecteur Lognon, que sa malchance et sa mauvaise humeur ont fait
surnommer le Malgracieux, a interrogé les gens du quartier,
mais personne n'a rien vu ni entendu. Maigret lui demande de l'accompagner
chez Goldfinger. Il découvre ainsi que le courtier vit avec
sa femme, Mathilde, et sa belle-sur, Eva. Celle-ci se montre
de loin la plus bouleversée par la mort de Michel et rejette
violemment l'idée qu'il aurait pu se suicider.
Le commissaire apprend que Goldfinger est sorti à vingt-deux
heures, prétextant un rendez-vous urgent. Son épouse
ne lui connaît pas d'ennemi et admet que, depuis deux ans, les
affaires ne sont pas faciles dans le commerce du diamant pour ceux
qui ne disposent pas de capitaux au jour le jour.
En interrogeant Mathilde et Eva, Maigret se rend compte que la belle-sur
tente à plusieurs reprises de dire quelque chose, mais qu'elle
renonce. Une sorte de guerre larvée oppose indéniablement
les deux surs.
Bien que très occupé par l'arrestation puis par l'interrogatoire
du Commodore, Maigret ne peut s'empêcher de suivre l'affaire
Goldfinger de près, d'intervenir et de conseiller Lognon sur
les démarches à entreprendre. Ce qui ne manque pas de
conforter le Malgracieux qu'on cherche une nouvelle fois
à lui enlever une affaire intéressante.
Gastinne-Renette, l'expert chargé d'examiner l'arme de Goldfinger,
conclue que le revolver trouvé près de la victime est
bien l'arme du crime, mais qu'elle portait un silencieux au moment
où la balle a été tirée
Deux hommes à six mois d'intervalle
On imite
On
ne réinvente pas
Voilà ce qui tracasse Maigret
depuis que Daniel lui a annoncé la mort de Michel Goldfinger.
Une seconde visite à la veuve du courtier permet à Maigret
d'apprendre l'existence d'une assurance-vie portant sur un million
de francs en faveur de Mathilde.
La thèse du suicide est erronée puisque deux coups de
feu ont été tirés. Le premier avec le revolver
de Goldfinger muni d'un silencieux et le second à l'attention
de Police-Secours avec une autre arme.
Partant du principe qu'on n'invente pas une deuxième fois,
Maigret est convaincu qu'il s'agit d'un meurtre maquillé en
suicide. Il lui faudra néanmoins reprendre vingt fois, trente
fois, l'interrogatoire du Commodore pour que celui-ci, par lassitude,
finisse par se dégonfler et passe aux aveux.
Le commissaire suggère à Lognon de s'intéresser
de près à Mathilde Goldfinger. Treize jours après
la mort du courtier, une énième visite à sa veuve
conduit à la trouver non pas dans son appartement, mais dans
celui juste au-dessus. Il est habité par un certain Mariani,
un candidat inspecteur que Maigret avait du mettre à la porte
de son service.
L'ex-policier est l'amant de Mathilde. Il était dans la brigade
de Maigret lorsque Stan-le-Tueur (voir la
nouvelle
qui porte le titre éponyme) s'est suicidé après
avoir téléphoné au commissaire. C'est lui qui
a eu l'idée de reproduire le même scénario que
celui utilisé par le Polonais pour échapper définitivement
à la justice. Il a donc tué Goldfinger pour se débarrasser
d'un mari encombrant et pour que sa maîtresse touche la prime
de l'assurance-vie.
C'est lui aussi qui s'est donné le plaisir d'insulter la police
par téléphone