C'est en 1913, à l'âge de 26 ans, que le commissaire
Maigret réalisa sa première enquête.
Dix ans plus tôt, au 26, de la rue Léopold,
à Liège, entre la place Saint-Lambert et le
pont des Arches, naissait Georges Simenon. Le XXe siècle
avait trois ans.
Trajectoire d'un écrivain qui se voulait un
homme comme un autre, mais dont la destinée
et la carrière littéraire sortent plutôt
de l'ordinaire ! Car Simenon a bel et bien vécu
sous le signe de l'excès. Il serait dès
lors étonnant qu'il survive dans notre mémoire
sous celui de la mesure
mais cela est une autre
affaire.
1903 (vendredi
13 février) |
|
Dix minutes après minuit, naissance à Liège
(Belgique) de Georges Joseph Christian Simenon. Fils de
Désiré Joseph Hubert Simenon, 26 ans, comptable
dans une compagnie d'assurances, et d'Henriette Marie Elise
Brüll, 23 ans, sans profession (un an avant son mariage,
qui date du 22 avril 1902, elle était vendeuse au
rayon mercerie du grand magasin
L'Innovation, à
Liège).
Georges est le premier fils des époux Simenon. Henriette
est superstitieuse et ce
vendredi 13 lui semble de
mauvaise augure. Aussi, à l'état civil de
la Ville de Liège, et sur une fausse déclaration
du père, l'acte de naissance porte-t-il que Georges
Simenon est né
le 12 février 1903,
à 11 heures et demie du soir.
Naissance, à Liège également, de Christian
François Maurice Joseph Simenon, frère de
Georges.
Jusqu'en été 1908, Simenon fréquente
l'Ecole Sainte Julienne des Surs de Notre-Dame, où
sur Adonie lui apprend à lire et à écrire
dès l'âge de trois ans.
En septembre, Simenon entre à l'Institut Saint-André
des Frères des écoles chrétiennes,
où il fera - jusqu'en 1914 - ses six années
d'école primaire.
1911
Simenon s'initie à la littérature en dévorant
les grands auteurs russes : Tchekhov, Dostoïevski,
Pouchkine, Gorki et Gogol. Il lit aussi Conrad, Dickens,
Dumas, Balzac, Stevenson, Stendhal, Zola. Et plus tard,
Melville, Hemingway, Faulkner.
1913
L'élève Simenon signe ses devoirs de français
du pseudonyme Georges Sim et ses professeurs lui laissent
le choix du sujet.
Simenon est inscrit en tant qu'externe à demi-tarif
au collège jésuite Saint-Louis (66, quai de
Longdoz, à Liège), dans l'idée d'embrasser
la carrière sacerdotale. Sa sexualité précoce
l'en dissuade cependant (première expérience
à 12 ans et demi avec
une grande fille de 15 ans,
son premier amour).
Manifestant le désir de devenir officier, Simenon
est inscrit - toujours comme
externe à demi-tarif
- au collège Saint-Servais, où il passera
trois années scolaires.
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Simenon
en 1918.
Portrait non signé (Fonds Simenon, Liège,
Belgique).
In Georges Simenon, d'Alain Bertrand (Lyon,
La Manufacture, 1988). |
Le 20 juin, Simenon quitte le collège
Saint-Servais, sans avoir pu participer aux examens de fin
d'année. Son père est victime d'une première
angine de poitrine. Pour aider à subvenir aux besoins
de sa famille, il renonce aux études et exerce divers
petits boulots. Apprenti-pâtissier pendant
une quinzaine de jours, puis commis de librairie. Le jeune
Simenon est toutefois congédié quelques semaines
plus tard, parce qu'il en savait plus long sur la littérature
française que son patron.
Au début janvier, Simenon se présente à
la
« Gazette de Liège
» où il demande un emploi comme journaliste.
Joseph Demarteau, directeur et rédacteur en chef
du quotidien est séduit par le culot de son jeune
visiteur et l'engage après l'avoir mis à l'épreuve
: un article sur le marché aux chevaux, paru le 7
janvier.
Avant de composer des billets d'humeur quotidiens sur des
sujets variés et signés Monsieur le Coq (
Hors
du poulailler), Simenon commence par tenir la rubrique
des
chiens écrasés et des faits divers
qu'il récolte chaque jour dans la tournée
des commissariats. Et lorsque le titulaire d'autres rubriques
est absent, il met la main à tout : reportages divers
(explosions d'obus trouvés dans les champs), comptes
rendus des vins d'honneur, banquets, congrès, conférences,
petits ou grands procès, chronique des beaux mariages
et des uvres de bienfaisance, interviews de personnalités
(le maréchal Foch), critiques de théâtre,
de cirque et même d'opéra
Le premier texte journalistique signé G. Sim date
du 24 janvier et a pour titre
Sensassionnel [sic
!]
défilé aux Terrasses. Le premier
billet d'humeur signé Monsieur le Coq date, quant
à lui, du 30 novembre. Simenon va vivre durant quatre
ans l'expérience qu'il recommandera plus tard à
tous les aspirants romanciers. Sa contribution à
la « Gazette de Liège » est évaluée
à environ 1'500 articles divers, plus d'une vingtaine
de contes et 784 billets d'humeur.
1920 |
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Le 14 mai, naissance, à Ottawa (Canada), de Denyse
Ouimet, future seconde épouse de Simenon.
De 1920 à 1922, Simenon fréquente
La Caque,
un groupe de poètes, rapins et autres jeunes artistes.
Ces
Compagnons de l'Apocalypse se réunissent
pour des beuveries (qu'ils nomment
séances orgiaco-mystiques)
dans un grenier situé derrière l'église
Saint-Pholien, impasse de la Houpe.
Au cours du réveillon de la Saint-Sylvestre, Simenon
rencontre Régine Renchon, artiste peintre, qu'il
appellera « Tigy » et épousera en 1923.
S'agissant de sa rencontre avec Régine, les dires
de Simenon sont toutefois contredits par le registre de
la salle de lecture de la bibliothèque des Chiroux,
dans lequel leurs deux noms figurent l'un près de
l'autre dès le 5 octobre 1918.
Dès l'automne, Simenon court les éditeurs
avec un manuscrit sous le bras, mais personne ne semble
croire à la veine romanesque du jeune reporter. A
la fin de l'année, l'imprimeur-éditeur liégeois
Bénard consent à lui imprimer son livre à
1'500 exemplaires, pour autant que l'auteur trouve lui-même
300 souscripteurs.
Opiniâtre, Simenon joue de ses connaissances et de
ses amitiés pour y parvenir. C'est ainsi que sort
de presse sa première publication, sous le pseudonyme
de Georges Sim. Il s'agit d'un court
roman humoristique
de murs liégeoises, intitulé
Au
pont des Arches et illustré par quatre
de ses compagnons de
La Caque. L'ouvrage a été
écrit en septembre 1920 : Simenon avait donc dix-sept
ans et demi.
Publié au moment des fêtes de fin d'année
(ou en janvier 1921 [ ? ]),
Au
pont des Arches, peut être considéré
comme la première publication
commerciale
de Simenon.
En avril, Simenon termine un deuxième roman,
Jehan
Pinaguet, qui retsera toutefois inédit
jusqu'en 1991.
En revanche, la troisième
tentative littéraire
de Simenon (par opposition à ses écrits journalistiques
et à ses contes
galants) voit le jour en novembre.
Il s'agit d'une plaquette hors commerce au tirage confidentiel,
Les
ridicules ! En effet, les 24 et 25 novembre,
Simenon compose et tire lui-même, sur une des presses
de la « Gazette de Liège », quelques
exemplaires (certains disent 12 ; d'autres estiment qu'il
n'y en eu guère plus de 6), cette plaquette de 24
pages, dans laquelle il brosse un portrait vitriolé
de quatre de ses compagnons de
La Caque et qu'il
dédie à sa fiancée (
A ma Régine
pour ses étrennes).
Le 28 novembre, mort à Liège, sur son lieu
de travail, de Désiré Simenon, père
de Georges, à l'âge de 44 ans.
De décembre 1921 à décembre 1922, devançant
l'appel de sa classe, Simenon effectue son service militaire.
D'abord un mois en Allemagne occupée, et le reste
à la caserne de Lanciers, à Liège,
ce qui lui permet de poursuivre sa carrière de journaliste
à la « Gazette ».
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Simenon
en 1922.
Portrait non signé (Fonds Simenon, Liège,
Belgique).
In Simenon, de Stanley Eskin (Paris, Presses
de la Cité, 1990). |
Le 2 mars, le suicide par pendaison du jeune peintre Joseph
Kleine, sonne le glas de
La Caque. Les oiseaux de
nuit abandonnent le nid.
Simenon publie son dernier article dans la « Gazette
de Liège » le 15 décembre. Il quitte
ensuite sa ville natale et part à la conquête
de Paris. Il est engagé comme garçon de courses
à la Ligue des chefs de section et des anciens combattants,
présidée par le journaliste d'extrême
droite et écrivain Gustave Binet, dit Binet-Valmer.
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Tigy (Régine
Renchon).
Caricature non signée et non datée
(Fonds Simenon, Liège, Belgique).
In A la conquête de Tigy, lettres 1921-1924
(Paris, Julliard, 1995).
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Le 24 mars, il épouse Régine Renchon (Tigy).
Un des bienfaiteurs de la Ligue des chefs de section, le
marquis de Tracy demande à Binet-Valmer de lui procurer
un secrétaire : l'écrivain lui propose un
jeune Belge désormais surnommé
le petit
Sim. En mai, Simenon change donc de patron et entre
au service du marquis de Tracy, l'un des hommes les plus
riches de France. Il l'accompagne à travers tout
le pays et apprend à connaître la petite noblesse,
le monde des finances, le bon vin et les parties de chasse.
Il séjourne entre autres à Paray-le-Frésil,
près de Moulins, et dans la Loire, dont il s'inspirera
pour situer les origines de Maigret.
De 1923 à 1932, il produit entre 1'000 et 1'100 contes
écrits sous des pseudonymes, destinés au «
Matin » (dont Colette est la directrice littéraire)
ainsi qu'aux feuilles
galantes - nous dirions aujourd'hui
polissonnes - qui font fureur à l'époque
: « Frou-Frou », « Paris-Plaisirs »
(remarquable pour ses couvertures illutrées), «
L'Humour », « Paris-Flirt » et «
Sans-Gêne ».
Il compose également ses
Fiches, relevés
d'impressions acerbes sur des écrivains français
(Léon Daudet, Maurice Barrès, Henri Duvernois,
Paul Fort, Tristan Bernard et Claude Farrère sont
ses
cibles préférées).
1924
Au printemps, Simenon se sépare du marquis de Tracy
et commence une
nouvelle période de sa vie:
celle des quelque 200 romans populaires composés
pour
les petites cousettes et les jeunes vendeuses.
Le premier,
Le
roman d'une dactylo, est écrit en une
matinée, à la terrasse d'un café, place
Constantin-Pecqueur. Son objectif est de « gagner
le plus d'argent possible en écrivant des livres
faciles, puis [s]'installer et faire de la littérature
».
Ainsi, jusqu'en 1934, Simenon écrira sous différents
pseudonymes des romans qui portent souvent un titre de pacotille
et qui tiennent en trois catégories : le roman sentimental
(avec ses personnages typés, ses intrigues à
l'eau de rose où l'amour finit toujours par triompher
des obstacles), le roman léger (teinté de
grivoiserie et d'un humour plutôt leste) et le roman
d'aventures (aux épisodes débridés
et dont certains titres participent parfois d'une idéologie
raciste).
Grâce à la vente d'un tableau de Tigy, Simenon
et sa femme descendent sur la Côte d'azur et découvrent
avec émerveillement l'île de Porquerolles (Var),
où ils feront par la suite de nombreux séjours
jusqu'en 1938.
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Simenon
en 1925.
Portrait non signé (Fonds Simenon, Liège,
Belgique).
In Simenon, de Stanley Eskin (Paris, Presses
de la Cité, 1990). |
En vacances à Etretat, Simenon prend à son
service, comme servante, la fille d'une famille de pêcheurs
de Bénouville, Henriette Liberge (dite « Boule
»), 20 ans à peine. Elle deviendra très
vite
servante-maîtresse. Engagée pour
un an, elle restera toute une vie auprès de celui
qu'elle appelle « mon petit monsieur joli »
et sera pour lui la fidélité faite femme.
1926 (12 avril)
Naissance, en Italie, de Teresa Sburelin, future compagne
des dernières années de Simenon.
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Simenon
en 1927.
Portrait non signé (Fonds Simenon, Liège,
Belgique).
In Simenon, de Stanley Eskin (Paris, Presses
de la Cité, 1990). |
Le 14 janvier, Eugène Merle, directeur de «
Paris-Matin » propose 50'000 francs à Simenon
pour écrire en trois jours et trois nuits, enfermé
devant le Moulin-Rouge dans une cage de verre et à
la vue de tous, un roman « dont le sujet, le titre
et les personnages auront été désignés
par un référendum auprès des lecteurs
». La faillite du journal empêche la concrétisation
de l'exploit
qui sera pourtant attesté par
plusieurs articles de presse. Simenon y gagne les 50'000
francs d'à-valoir versés à la signature
du contrat et, surtout, il commence à bâtir
lui-même son propre mythe.
L'été marque la fin de la liaison torride
et tumultueuse que Simenon entretenait avec Joséphine
Baker. Un projet de « Joséphine Baker's Magazine
» avait presque vu le jour, dont Georges Sim aurait
été le rédacteur en chef et
le
seul journaliste ! Simenon déclara plus tard qu'il
avait tout rompu parce que lui-même encore inconnu,
il avait eu « peur de devenir M. Baker ».
Inconnu peut-être, prolifique sans aucun doute ! Simenon,
journaliste et auteur de romans populaires, comptera bientôt
6 éditeurs et écrira parfois 80 pages par
jour. Il rédigera notamment à lui seul les
numéros du « Merle rose », un hebdomadaire
destiné aux lesbiennes.
Sur
La Ginette, un ancien canot de sauvetage de 5,5
mètres de long muni d'un moteur 3CV, Simenon réalise
pendant six mois un tour de France par les canaux et les
rivières, accompagné par sa femme (Tigy),
sa bonne (Boule) et son chien (Olaf). Ses reportages paraîtront
dans un numéro spécial de « Vu »
en juillet 1931 et de « Marianne » en 1937.
Il pénètre ainsi dans l'âme du paysage
et de la mentalité français, que le lecteur
retrouvera à son tour dans son uvre.Durant
son périple fluvial, Simenon écrit force contes
et romans populaires.
1929
A bord de l'Ostrogoth, un
cotre de 10 mètres de long sur 4 de large, qu'il
a fait construire par les chantiers maritimes de Fécamp,
Simenon remonte la Seine jusqu'au square Vert-Galant à
Paris, où le curé de Notre-Dame le baptise.
Du printemps 1929 à fin 1931, ce bateau sera son
habitation quasi permanente. Par la Meuse et par les canaux,
il traverse la France, la Belgique, les Pays-Bas et l'Allemagne
où il sera refoulé, son capitaine étant
soupçonné d'espionnage. Par le bateau régulier,
Simenon gagne ensuite la Norvège. Puis il navigue
au-delà du cercle polaire à bord d'un bateau
de cabotage jusqu'à Kirkenes, en Laponie, près
de la frontière soviétique.
Le 17 octobre, à Liège, mariage en secondes
noces d'Henriette Brüll, la mère de Simenon,
avec Joseph André, chef garde convoi aux Chemins
de fer belges.
1930 |
|
Au printemps, Simenon écrit
son tout premier roman sous patronyme,
Pietr-le-Letton
: ce sera le cinquième « Maigret » en
librairie, mais le premier à être présenté
au public, sous forme de feuilleton dans « Ric et
Rac » (juillet-août).
Avec Maigret, qui deviendra son policier fétiche,
Simenon entend délaisser ses pseudonymes et aborder
ce qu'il appelle la
semi-littérature.
Dès les années trente, Simenon lit Freud,
Adler et Jung.
1931
En début d'année, à raison de 80 pages
par jour, Simenon rédige les quelques romans populaires
sous pseudonyme qu'il lui reste devoir à Fayard par
contrat.
Les premières enquêtes de Maigret, publiées
chez le même éditeur sous couverture photographique,
sont lancées le 20 février par une opération
publicitaire tapageuse (un
Bal anthropométrique
au cabaret la
Boule blanche, rue Vavin à Montparnasse).
Cet événement, auquel Simenon a convié
le Tout-Paris, a pour but de promouvoir la sortie les deux
premiers volumes de la série,
Monsieur
Gallet, décédé et
Le
pendu de Saint-Pholien.
Le succès est immédiat et très vite
nourri par le rythme des parutions, par les traductions
en une dizaine de langues et par les adaptations cinématographiques
de Renoir, Tarride et Duvivier.
La
période Fayard, considérée
par certains comme l'âge d'or de « Maigret »
comptera 19 enquêtes. En tout, l'éditeur publiera
31 ouvrages signés Simenon entre 1931 et 1934.
En décembre, Simenon vend l'Ostrogoth en et passe
l'hiver 1931-1932 au cap d'Antibes, à la villa «
Les Roches grises » , où il écrira quatre
nouvelles enquêtes du commissaire Maigret.
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Simenon
au début des années trente [ ? ].
Portrait non signé et non daté (Fonds
Simenon, Liège, Belgique).
In La naissance de Maigret, de Francis Lacassin
(Paris, Presses de la Cité, 1991). |
En été, Simenon voyage en Afrique, pour le
magazine « Voilà » .
1933
Au printemps, toujours pour « Voilà »
, Simenon entreprend un vaste tour d'Europe qui l'amène
en Allemagne (où il croise Hitler dans un ascenseur),
dans les pays de l'Est, en U.R.R.S. et en Turquie.
Le 7 juin, Simenon rencontre Trotski à Prinkipio
(l'île des Princes, dans la mer de Marmara). L'interview
« Chez Trotsky [sic] » paraît dans «
Paris-Soir » les 15 et 16 juin.
Le 18 octobre, Simenon entre chez l'éditeur Gallimard,
auquel il donnera nombre de chefs-d'uvre
psychologiques
comme
Le
locataire (1934),
Les
Pitard (1935),
Les
surs Lacroix (1938),
Le
bourgmestre de Furnes (1939),
Les
inconnus dans la maison (1940),
Le
voyageur de la Toussaint
(1941),
La
veuve Couderc (1942) ou
La
vérité sur Bébé Donge
(1942).
En tout, Gallimard publiera 57 ouvrages signés Simenon
entre 1934 et 1947 (dont 6 « Maigret » et 45
romans dits
de la destinée).
1934
Le 12 décembre, Simenon entreprend un tour du monde
en 155 jours, qui s'achèvera le 15 mai 1935.
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Simenon
en 1935.
Portrait non signé (Fonds Simenon, Liège,
Belgique).
In Simenon, de Stanley Eskin (Paris, Presses
de la Cité, 1990). |
André Thérive déclare, dans «
Le Temps » , que «
Les
Pitard est un chef-d'uvre à l'état
pur » . C'est la première fois qu'un critique
littéraire salue aussi chaudement la sortie d'un
roman de Simenon. Cet article est réédité
dans l'essai de critique littéraire consacré
à l'auteur (
Simenon ;
Lausanne, L'Age d'Homme, 1980 ; « Cistre essai »,
n° 10 ; pages 238-242).
En décembre, il refuse la naturalisation française
que lui propose Léon Blum.
Ces trois années pleines de voyages et de reportages
de toutes sortes (Afrique, 1932 ; Europe de l'Est, 1933
; autour du monde, 1934-1935) inspireront à Simenon
des romans exotiques comme
Le
coup de lune (1933),
Les
gens d'en face (1933),
Le
blanc à lunettes (1937) ou
Touriste
de bananes (1938).
A noter, qu'en plus de ses reportages, ce qui représente
déjà une intense activité, Simenon
aura trouvé le temps d'écrire 17 romans, dont
2 « Maigret ».
Pierre Cot, ministre de l'Intérieur, prévient
Simenon qu'à la suite de ses reportages sur l'Afrique
coloniale, il lui sera désormais refusé tout
visa pour cette destination.
1937
Simenon appartient au Tout-Paris. Il a une table chez Maxim's
et prend tous les soir l'apéritif à la terrasse
du
Fouquet's où il rencontre Raimu, Pagnol,
Arletty, Simon, Fernandel
Simenon s'installe en Vendée, où il reste
durant toute la Seconde Guerre mondiale, période
tragique dont on ne trouvera que peu de traces dans son
uvre puisque seuls deux romans,
Le
clan des Ostandais (publié en 1947) et
Le
train (publié en 1961), s'y référeront.
Le 31 décembre, il reçoit une première
lettre d'André Gide, qui sera l'un de ses plus fervents
admirateurs. Cette correspondance se poursuivra jusqu'en
1950 (56 lettres inventoriées).
1939 (19 avril)
Naissance, à Uccle-lez-Bruxelles, de Marc Jean Chrétien
Simenon, fils de Georges et de Tigy. Son parrain est le
professeur Lucien Pautrier de Strasbourg ; sa marraine Edwige
de Vlaminck, fille du peintre.
1940
En mai, la mobilisation générale est décrétée
en Belgique. Simenon est nommé haut commissaire aux
réfugiés belges pour le département
de Charente-Inférieure. Durant cette mission, qui
durera trois mois, il sera la
cheville ouvrière
d'une opération de sauvetage de quelque 18'000 compatriotes.
Simenon est accusé d'avoir des origines juives par
le commissariat aux affaires juives. Il sera sauvé
par sa mère, qui lui fait parvenir les documents
généalogiques nécessaires.
1943
Simenon vend tous ses manuscrits aux enchères pour
venir en aide aux réfugiés de guerre.
En convalescence durant l'automne et l'hiver aux Sables-d'Olonne
à la suite d'une pleurésie, Simenon relit
tout Balzac, tout Zola, tout Proust, ainsi que la Bible
et les Evangiles.
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Simenon
en 1945.
Portrait non signé (Fonds Simenon, Liège,
Belgique).
In Simenon, de Stanley Eskin (Paris, Presses
de la Cité, 1990). |
Simenon rompt avec Gallimard au profit des jeunes Presses
de la Cité, fondées par Sven Nielsen, avec
lequel il entretiendra une solide amitié.
Aux Presses de la Cité, Simenon donnera 141 titres
(dont 50 « Maigret » , 60 romans dits
de
la destinée).
Durant l'été, sur un banc de la place des
Vosges, brève rencontre entre Simenon et son frère
Christian, gravement compromis dans la collaboration depuis
1941 et qui vient d'être condamné à
mort par contumace par le Conseil de guerre de Charleroi.
A ce frère traqué, Simenon conseille de s'engager
dans la Légion étrangère, ce qu'il
fait sous le nom de Christian Renaud.
Le 5 octobre, Simenon arrive à New York avec Tigy
et Marc (Boule ne pourra les rejoindre que plus tard).
Le 5 novembre, il rencontre Denyse Ouimet, qu'il engage
en qualité de secrétaire bilingue. Elle sera
aussitôt sa maîtresse (Simenon découvre
le
grand amour) et deviendra en 1950 sa seconde femme
et la mère de trois de ses quatre enfants.
Jusqu'en 1955, Simenon séjournera aux Etats-Unis
qui serviront de cadre à plusieurs romans, tels
Trois
chambres à Manhattan (1946, inspiré
par la rencontre avec Denyse Ouimet et qui sera tiré
à 525'000 exemplaires rien qu'en français),
Feux
rouges (1953) ou
L'horloger
d'Everton (1954).