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Qui
êtes-vous,
commissaire
Maigret ?
(suite)
Retour à la première
partie
Maigret.
Dessin de couverture par Mike Charlton pour l'édition
anglaise de Maigret's Pickpocket [Le voleur
de Maigret] et de Maigret and the Nahour
Case [Maigret et l'affaire Nahour] (London,
The Companion Book Club, 1967)..
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Même s'il est aujourd'hui peu vraisemblable que
le quai de Delfzijl, sur lequel on a érigé
la statue de Maigret, le 3 septembre 1966, a vu naître
le célèbre commissaire (ce ne sera pas la
première fois - ni la dernière - dans l'histoire
de l'humanité, qu'un monument commémore un
événement qui n'a jamais eu lieu ou s'est
déroulé ailleurs
), il n'est pas inintéressant
de revenir à la
légende.
On retrouve alors Simenon en septembre 1929 dans le port
hollandais de Delfzijl, sur la frontière avec l'Allemagne,
où il s'est arrêté pour faire recalfater
l'Ostrogoth. Au café du port, il profite
de l'engourdissement provoqué par quelques petits
verres de genièvre coloré de bitter, pour
dresser le portrait de celui qui sera plus tard son personnage
fétiche :
« Un peu somnolent, je commençais à
voir se dessiner la masse puissante et impassible d'un
monsieur qui, me sembla-t-il, ferait un commissaire acceptable.
Pendant le reste de la journée, j'ajoutai au personnage
quelques accessoires : une pipe, un chapeau melon, un
épais pardessus à col de velours. Et comme
il régnait un froid humide dans ma barge abandonnée,
je lui accordai, pour son bureau, un vieux poêle
de fonte. »
Simenon in «
La naissance de Maigret »,
un texte écrit le 24 mars 1966 pour les uvres
complètes dirigées par
Gilbert Sigaux aux Editions Rencontre.
Voilà ! Le
personnage central de toute l'uvre de Simenon
vient de naître. |
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En quelques mots, le bonhomme est croqué. Il est
déjà beaucoup mieux qu'une silhouette. Pas
encore le personnage qu'il va devenir au fil des pages,
puis de tous les romans. Mais, par ses gestes de tous
les jours, il nous est déjà familier.
« Le commissaire Maigret, de la Première
Brigade mobile, leva la tête, eut l'impression que
le ronflement du poêle de fonte planté au
milieu son bureau et relié au plafond par un gros
tuyau noir faiblissait. Il repoussa le télégramme,
se leva pesamment, régla la clef et jeta trois
pelletées de charbon dans le foyer. Après
quoi, debout, le dos au mur, il bourra une pipe, tirailla
son faux col qui, quoique très bas, le gênait.
Il regarda sa montre qui marquait 4 heures. Son veston
pendait à un crochet, planté derrière
la porte. »
Simenon in Pietr-le-Letton,
rédigé en hiver 1929 [printemps 1930 ?].
Non seulement Maigret n'est pas un flic comme il s'en
présente d'ordinaire dans les romans policiers
d'énigme mais, de plus, il n'a rien de l'extraordinaireté
d'un Holmes ou d'un Poirot.
« La présence de Maigret au Majestic
avait fatalement quelque chose d'hostile. Il formait en
quelque sorte un bloc que l'atmosphère se refusait
à assimiler. Non pas qu'il ressemblât aux
policiers que la caricature a popularisés. Il ne
portait ni moustaches ni souliers à fortes semelles.
Ses vêtements étaient de laine assez fine,
de bonne coupe. Enfin, il se rasait chaque matin et ses
mains étaient soignées. Mais la charpente
était plébéienne. Il était
énorme et osseux. Des muscles durs se dessinaient
sous le veston, déformaient vite ses pantalons
les plus neufs. »
Simenon in Pietr-le-Letton,
rédigé en hiver 1929 [printemps 1930 ?].
La suprême logique déductive, les signes
de pistes de à la loupe, le parler pour ne rien
dire ne font pas partie de la panoplie du commissaire.
C'est que son père spirituel ne joue pas. Il écrit.
Simenon bâtit une uvre dont Maigret est un
rouage essentiel, un passage obligé.
Il faut dire que, grâce au succès remporté
par le « Masque » , Simenon a pu évaluer
l'avenir de ce nouveau genre qu'on commençait à
appeler le roman policier. Il a également
vu naître d'autres collections qui, comme le «
Masque » étaient largement ouverte aux auteurs
anglo-saxons.
Les héros révélés par ces
collections nouvelles vont aider Simenon a définir
son propre enquêteur. Il sera français et
profondément ancré dans la réalité
quotidienne de son pays. Au contraire des Hercule Poirot,
Lord Peter et leurs épigones, qui collectionnent
les énigmes comme d'autres les vases vénitiens,
il sera fonctionnaire salarié, issu d'un milieu
modeste. Au lieu de briller dans les manoirs et gentilhommières,
il opérera dans la rue. Il ne considérera
jamais le criminel comme un animal rare pour tableau de
chasse, mais comme un homme ordinaire dont la destinée
a dérapé. Il ne le démasquera pas
par des déductions brillantes appuyées sur
des indices à décoder, mais en cherchant
à comprendre ses mobiles.
« Il était grand et large, large surtout,
épais, solide et ses vêtements sans recherche
soulignaient ce qu'il y avait de plébéien
dans sa structure. Un visage lourd, où les yeux
étaient capables de garder une immobilité
bovine
Quelque chose d'implacable, d'inhumain, évoquant
un pachyderme en marche vers un but dont rien ne le détournera.
»
Simenon in Le
pendu de Saint-Pholien, rédigé
durant l'hiver 1930-1931.
Simenon voit dans son héros une sorte de Father
Brown dénué de bondieuseries et de Docteur
Thorndyke qui aurait troqué sa cérébralité
pour de l'humanisme. Le tout baigné dans ce qu'Alain
Demouzon nomme un contexte très franco-français.
Et Maigret sera cet homme-là. Une espèce
de « raccommodeur de destinées » (une
expression qui ne plaît guère à Alain
Bertrand parce qu'elle circule dans toutes les études
critiques au point de devenir un poncif !). Bref, un flic
qui s'intéressera moins au crime qu'au criminel,
moins à l'indice qu'au geste, moins à l'arme
qu'au regard qui va marquer d'une indéfectible
empreinte le roman contemporain.
« Tout jeune, dans son village, [Maigret] avait
eu l'impression que des tas de gens n'étaient pas
à leur place, prenaient un chemin qui n'était
pas le leur, uniquement parce qu'ils ne savaient pas.
Et il imaginait un homme très intelligent, très
compréhensif surtout, à la fois médecin
et prêtre par exemple, un homme qui comprendrait
du premier coup d'il le destin d'autrui. »
Simenon in La
première enquête de Maigret (1913),
rédigé en septembre 1948.
Maigret conduit ses enquêtes avec plus d'intuition
que de méthode apparente. Lorsqu'il a une énigme
à résoudre, il se plonge dans le milieu
où le crime a été commis afin de
mieux saisir l'atmosphère et se mettre dans la
peau des gens. Pour atteindre cette pénétration
de l'ombre humaine, il faut beaucoup d'humilité
et une bonne dose de convivialité. Aussi, Maigret
se gardera-t-il de juger, de décider pour un autre,
comme il ne se lancera pas à la poursuite de la
vérité par l'entremise de raisonnements
bien pensés, mais plutôt en s'imprégnant
de la situation au fil des heures et des hommes. Maigret
n'est pas ce regard d'aigle à la Holmes ni ce futur
félin à la Spade. C'est un ruminant qui
regarde passer les hommes comme ceux de la race ferroviaire
regardent circuler les trains.
Maigret « cherchait, il attendait, guettait
surtout la fissure. Le moment, autrement dit, où
derrière le joueur, apparaît l'homme. »
Simenon in Pietr-le-Letton,
rédigé en hiver 1929 [printemps 1930 ?].
Maigret a toujours été différent
des enquêteurs du roman policier dont Simenon redoutait
les contraintes et les stéréotypes. Un signe
révélateur : quand Maigret entre dans un
lieu privé, il ôte son chapeau, et le chat
de la maison vient s'installer sur ses genoux.
« Résoudre l'énigme pour Maigret,
ce n'est pas découvrir la méthode de l'assassin
mais expérimenter, vivre à l'essai la crise
psychologique qui a provoqué le drame. Le lecteur
doit sympathiser avec le coupable. Et justement Maigret
est là qui tient la main du criminel, qui tient
la nôtre et dirige l'une vers l'autre ces deux mains
qui voulaient s'ignorer. D'homme à homme, l'aveu
peut jaillir. Grâce à Maigret, l'assassin
n'est pas retranché de la communauté humaine.
»
Boileau-Narcejac in Le roman
policier (Paris, Payot, 1964).
Maigret n'a jamais été une simple machine
à résoudre une énigme et à
capturer un coupable. Il suffisait donc à Simenon,
ainsi qu'il l'a fait pour d'autres personnages dans ses
romans de la destinée, de procéder
à quelques retouches et précisions pour
faire de Maigret un explorateur des consciences, oubliant
sa mission répressive afin de comprendre les autres.
Les amateurs de romans strictement policiers ne s'y sont
pas trompés : à choisir, ils préfèrent
les « Maigret » de la cuvée Fayard
; les amateurs de Simenon préfèrent, eux,
la cuvée Presses de la Cité.
Jules
Amédée François Maigret |
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Pêcheur à la ligne, buveur occasionnel et
gros mangeur de saucisson lorsqu'il arpentait les rues de
Paris, l'homme porte des chemises de nuit sur un corps puissamment
velu, retire son chapeau chaque fois qu'il parle à
une dame, et n'occupe pas la salle de bains en même
temps que son épouse. Il est incapable de conduire
une automobile, aussi laisse-t-il cette tâche à
Madame Maigret ou à l'un de ses inspecteurs. Aux facéties
de Laurel et Hardy, son rire éclate de si bon cur
que ses voisins de siège, au cinéma, se poussent
du coude. Parfois, manière de rappeler sa supériorité,
il envoie des billets anonymes à ses collègues
ébahis, ou gifle un prévenu récalcitrant.
Il faudra toutefois attendre 1950 et
Les
Mémoires de Maigret (le 35e titre de la
série) pour apprendre avec plus de détails qui
est le commissaire Maigret. Portrait !
Jules Maigret est né à la campagne (à
Saint-Fiacre par Matignon, non loin de Moulins). Il est
issu d'une famille de paysans : son père, Evariste
Maigret occupe la fonction de régisseur dans une
propriété de 3'000 hectares sur laquelle on
compte 26 métairies.
A 8 ans, le jeune garçon se retrouve orphelin :
sa mère meurt en couches, par la faute d'un médecin
alcoolique auquel son père avait accordé sa
confiance. Après l'école au village, Maigret
est envoyé au lycée de Moulins. Il y est malheureux
et sa tante, mariée à un boulanger, l'emmène
à Nantes poursuivre ses études au collège.
Deux ans plus tard, il doit interrompre sa médecine
à la mort de son père.
Il monte à Paris, où il cherche un emploi.
Grâce à un voisin de palier, il entre dans
la police, par la petite porte. Durant sept ou huit mois,
il aura pour mission de sillonner la capitale à vélo
pour délivrer des plis dans les bureaux officiels.
Ensuite, il sera nommé secrétaire de l'O.P.J.
du quartier Saint-Georges.
Sa rencontre avec Louise, née à Colmar (Haut-Rhin
[Alsace], France) et fille d'un ingénieur des Ponts
et Chaussées, date de cette époque. Les jeunes
gens se marient rapidement et s'installent au 132, boulevard
Richard-Lenoir, dans le 11e arrondissement, non loin de
la place des Vosges. Ils ne déménageront jamais.
Avant d'accéder à la brigade spéciale,
Maigret fera ses armes dans la voie publique, dans
les meublés et dans les murs.
Des Halles à Longchamp en passant par le boulevard
de Clichy ou la gare du Nord, la silhouette épaisse
et pesante parcourra sous la pluie les rues de Paris, à
la recherche d'un nom, d'une adresse. Son flair infaillible
le mènera d'hôtels borgnes en estaminets poussiéreux,
sans compter les bordels humides, les appartements clinquants
et les palaces pour milliardaires.
Il aura gravi ainsi tous les échelons de la P.J.,
de commissionnaire à commissaire divisionnaire. Et
Mme Maigret, la fée du logis, sera toujours là,
à l'attendre. Avec sur le feu un petit plat mitonné,
à moins que le garçon de la Brasserie Dauphine
ne traverse le crachin pour monter les sandwiches et les
demis dans le bureau enfumé du quai des Orfèvres.
Les lecteurs assidus des trois séries - Fayard,
Gallimard et Presses de la Cité - connaissent d'autres
détails de la biographie de Maigret. Son enfance,
durant laquelle il sert la messe de six heures (ce qui lui
permettra plus tard de rectifier le témoignage
de l'enfant de chur). Sa gêne, la timidité
qu'il ne peut pas maîtriser devant Madame la Comtesse
de Saint-Fiacre alors qu'il enquête sur un meurtre
perpétré dans son village d'origine. Sa vocation
contrariée : s'il n'avait pas été policier,
il aurait voulu devenir médecin, comme son meilleur
ami, le docteur Pardon avec lequel il dîne deux fois
par mois, ponctuellement, une fois dans le quartier de Picpus,
chez le docteur, et une fois boulevard Richard-Lenoir. Ses
goûts culinaires. La petite maison de Meung-sur-Loire,
où il passe ses week-ends et ses vacances, occupant
son temps entre le potager, la belote et la pêche.
Les visites occasionnelles de sa belle-sur, des cousins
ou du neveu qui a voulu, lui aussi, entrer dans la police.
Il convient de noter enfin que le couple Maigret
n'a pas eu d'enfant. Est-ce la raison de l'attitude souvent
paternelle du commissaire envers les inspecteurs de sa brigade,
qu'il appelle mes enfants : Janvier, son préféré,
qu'il envoie dans les missions les plus dangereuses, mais
qu'il aime comme un fils ; l'énorme et débonnaire
Torrence ; le jeune Lapointe qui suit Maigret comme un chien
(il est vrai que celui-ci lui a sauvé la vie et il
ne l'oublie pas) ; Lucas, qu'il surnomme encore «
le petit Lucas » , bien qu'il n'en soit plus à
ses débuts ; le vieux Lagrume et le pauvre Lognon,
le grincheux, le malchanceux, qui se fait blesser grièvement
près de chez lui, à Montmartre, dans Maigret
et le fantôme.
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Maigret.
Dessin de Philippe Wurm, 1992. |
La
retraite de Maigret |
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En avril 1933, Simenon termine la rédaction de
L'écluse
n° 1 (le roman sera publié par Fayard
deux mois plus tard). En octobre, il signe un contrat qui
le lie jusqu'en 1945 avec Gallimard. Au désespoir de
Fayard qui lui offrait les mêmes conditions financières,
mais non la liberté d'inspiration que l'auteur convoitait
en priorité.
Car Simenon souhaite passer à d'autres exercices
et se débarrasser de Maigret, qui le rattache
trop au monde du fait divers. Entrer chez Gallimard concrétise
sa volonté d'écrire des récits plus
littéraires. C'est le début des romans
durs ou psychologiques, appelés plus
justement romans de la destinée.
Avec le dix-neuvième volume publié par Fayard
en mars 1934 et intitulé symboliquement Maigret,
Simenon abandonne (du moins le pense-t-il
) son héros,
en l'envoyant à la retraite dans sa maison de Meung-sur-Loire.
Ses lecteurs n'ont pas apprécié ! Simenon
se souvient qu'il lui en « ont voulu [et lui ont]
envoyé des tas lettres » pour manifester leur
déception.
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1934,
Simenon abandonne Maigret. Le 12 décembre,
il entreprend un tour du monde en 155 jours, qui s'achèvera
le 15 mai 1935.
La retraite du commissaire sera toutefois de
courte durée : en octobre 1936, « Paris-Soir-Dimanche
» lancera une série de nouvelles sous
forme de concours hebdomadaire.
In Simenon, (ouvrage collectif)
(Bruxelles, Editions Complexe, 1993).
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Le
retour de Maigret |
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Ce n'est pourtant qu'à la veille de la guerre que
Simenon se remet à écrire des nouvelles policières.
Il fait revivre Maigret en octobre 1936, dans une série
de nouvelles commandées par le quotidien « Paris-Soir
». L'année suivante, la Société
parisienne d'éditions réclame sa présence
dans les fascicules « Police-Film » et «
Police-Roman ». Puis se sera autour de Gallimard de
profiter de la notoriété de Maigret en publiant
trois recueils de nouvelles et de romans (
Maigret
revient..., 1942 ;
Les
nouvelles enquêtes de Maigret et
Signé
Picpus, 1944).
Puis, encore une fois, Simenon lâche son commissaire,
revient à ses romans « plus littéraires
» et commet notamment Pedigree
(écrit en deux fois entre 1941 et 1943, publié
en 1948), son uvre matricielle.
Ce sera après la guerre, aux Etats-Unis, où
Simenon refait sa vie avec Denyse Ouimet) que Maigret va
ressusciter et revenir plus fringant que jamais, lui qui,
une quinzaine d'année auparavant avait pris sa retraite
et s'était retiré à Meung-sur-Loire
(Maigret,
1934). Ce « second retour » est marqué,
en 1947, par La
pipe de Maigret (nouvelle),
Maigret
se fâche (roman), Maigret
à New-York (roman) et Maigret
et l'inspecteur malchanceux (recueil de nouvelles).
Dès lors, la carrière du célèbre
commissaire se poursuivra à la cadence de trois ou
quatre enquêtes par année.
En 1950, Maigret rédige ses Mémoires
et raconte comment, un jour, dans son bureau du quai des
Orfèvres, il reçut la visite d'un jeune Belge
qui n'avait pas froid aux yeux et qui écrivait des
romans policiers sous le nom de Georges Sim. Dans ce volume,
Simenon s'amuse à faire rectifier par son personnage
les quelques erreurs qu'il a commise sur son compte, surtout
lors des premières enquêtes.
Cette anecdote la visite de Simenon au quai des
Orfèvres est presque vraie, mais se situe
après la parution des Mémoires. L'auteur,
principalement dans les premiers « Maigret »
, ne se souciait guère de décrire fidèlement
les services de la police judiciaire où il n'avait
jamais mis les pieds. C'est le 18 avril 1952 que Simenon
est invité à la P.J. par son directeur, Xavier
Guichard (le policier qui avait enquêté sur
la bande à Bonnot). Il fait également la connaissance
du commissaire Guillaume et de ses collaborateurs, qui lui
fourniront par la suite des éléments plus
authentiques pour les enquêtes de l'inaltérable
Maigret.
Dans cet esprit, Xavier Guichard propose même à
Simenon d'assister à la conférence quotidienne
- le rapport du matin - qui réunit, dans son
bureau, les chefs des principales brigades de police venus
l'entretenir du développement des affaires en cours.
Il lui offre également d'assister aux examens psychiatriques
de l'infirmerie spéciale du dépôt. Un
seul écrivain avait, avant Simenon, bénéficié
de cette faveur : Paul Bourget.
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Les commissaires
Massu et Guillaume, qui ont servis de modèles
à Simenon pour créer le personnage de
Maigret.
Photo : Keystone, sans date (Fonds Simenon, Liège,
Belgique).
In La naissance de Maigret, par Francis Lacassin
(Paris, Presses de la Cité, 1991). |
L'univers
Maigret |
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Au fil des romans, Maigret s'est bien entendu modifié,
nuancé, humanisé. Mais son personnage massif,
un peu lourd, était fixé pour de bon dès
sa première apparition (bien qu'un peu trop
pachyderme,
avouera plus tard Simenon). Et les traits essentiels comme
les méthodes d'investigation (mais peut-on parler de
méthodes puisque, justement, le principe de Maigret
est de ne pas en avoir ?) ne seront guère altérés
au cours des années.
Puisqu'il est question de méthode, il faut noter
que, dans le système Maigret, le raisonnement
est secondaire. C'est l'enchaînement des causes et
des effets qui joue un rôle majeur dans l'échafaudage
des hypothèses. Maigret refuse de se laisser égarer
par des idées préconçues. Il se fie
à son intuition, qui doit le mettre sur la piste.
Le flair ayant orienté le sens de ses recherches,
il travaille ensuite en profondeur. Piétine parfois
longuement avant qu'une lueur n'apparaisse ou qu'un coup
de chance ne vienne lui révéler le maillon
manquant, le bout de la chaîne qu'il va remonter patiemment
jusqu'à la solution.
Le commissaire Maigret présente trois caractéristiques : il est à lui seul un univers, il triche avec sa
fonction officielle pour mieux faire passer une vision du
monde, il apparaît comme un double du romancier dans
son rôle d'investigateur.
D'un côté, Simenon chérit l'univers
des origines où chacun trouve sa place, la
convivialité des petites gens et l'innocence enfantine
; de l'autre, il pourfend le progrès, les artifices,
la bourgeoisie. En travers de sa route, Maigret rencontre
des gêneurs, des fonctionnaires à cheval sur
les règlements (quoique fonctionnaire lui-même,
Maigret a quelque chose du petit entrepreneur et de l'artisan
dans la façon dont il opère et dans celle
dont il conçoit les choses !), des politiques, des
magistrats tatillons comme le juge d'instruction Coméliau
qu'il n'aime pas, tous les supérieurs hiérarchiques
avec lesquels il a bien souvent des ennuis, et des gens
qui ont trop d'argent, de morgue et de cynisme.
La philosophie de Maigret repose toute entière sur
cette vision de l'existence où la nature s'oppose
à la culture, ses faveurs se portant invariablement
sur la première. Dès lors, ses enquêtes
peuvent se lire comme des allégories qui mettraient
en scène la lutte éternelle entre la tradition
et le progrès, et plus largement, entre le bien et
le mal.
D'où Maigret tire-t-il sa force ? Au petit Jules,
Evariste Maigret, cet humaniste taciturne, transmet le virus
de l'homme nu. Et l'enfant, par défaut ou
par opportunisme de son créateur, entrera dans la
police, animé par une foi identique à celle
de son père. Mais n'incarne-t-il pas ainsi le petit
bourgeois frustré auquel le destin accorde des satisfactions
rêveuses en l'autorisant à parcourir en voyeur
faussement désabusé le monde trouble des bas-fonds
et de la déchéance ?
Au-delà de la lenteur et parfois de la maladresse,
de l'air volontiers bougon et brusque, du profond pessimisme
et de l'indulgence, on retiendra de Maigret qu'il est tout
le contraire d'un héros de roman. Dans son
épaisseur et sa rudesse, avec son côté
peuple et ses petites manies, ses longues patiences et ses
emportements soudains, ses nostalgies et ses faiblesses,
ses lassitudes et ses reprises de courage, c'est un Français
moyen, apparemment casanier, mais toujours curieux de ce
qui se passe ailleurs, facilement attendri, jamais sentimental.
Il éclate dans un mouvement d'antipathie ou d'indignation
devant une injustice ou une manifestation trop criarde de
la misère humaine.
De Maigret, on retiendra encore la formidable compréhension
(on peut même parler de compassion, dans le sens le
plus noble du terme) qu'il a de ses semblables. Car celle-ci
suppose qu'il soit capable de s'extraire de sa carcasse,
de se sentir concerné par autrui, d'écouter,
et pour reprendre la devise de Simenon, de comprendre
sans juger. Il procède parfois comme un psychanalyste,
et sort de certaines enquêtes troubles avec une sensation
de nausée et d'écurement. Il lui arrive
de se demander de quel côté de la barrière
il se situe : très souvent plus près du coupable
que de la victime (surtout quand le plaignant est un personnage
aussi odieux que le Fumal d'Un
échec de Maigret). Face à ceux
qu'il traque, Maigret éprouve souvent la pitié
d'un médecin devant le corps d'un souffrant, d'un
confesseur devant une âme pécheresse.
Ce fait rarissime mérite d'être souligné
: Maigret se présente comme un être équilibré,
à la différence des autres personnages qui
peuplent l'univers de Simenon et qui se retrouvent coincés
de force entre un rôle social aliénant et une
structure familiale régentée par la mère
ou l'épouse. Par chance, Maigret a perdu sa mère
très jeune.
Contrairement aux apparences, cette mort l'a sauvé
du désastre. Jacques Dubois, spécialiste du
roman policier et sociologue de la littérature, le
démontre dans un article intitulé Simenon
et la déviance (in « Littérature
n° 1 » de février 1971), expliquant que
l'équilibre de Maigret résulte en effet d'une
situation familiale boiteuse (père tout-puissant
et mère absente) tandis que le déséquilibre
de certains protagonistes, abondamment illustrés
dans les romans durs (ou dits de la destinée),
trouve sa source dans une instabilité inverse (mère
autoritaire et père effacé). Dans ce cas,
le personnage, incapable d'assumer une image de lui-même
dégagée du regard maternel, s'enfouit dans
un monceau d'habitudes, vit dans l'angoisse et la solitude,
jusqu'à ce qu'une humiliation quelconque déclenche
la crise, la libération provisoire, puis la chute
et le retour au sein de l'ordre social.
Puisqu'il est ici question de mère, donc de femmes
en général, on se doit de signaler que Simenon
passe, à juste titre, pour un auteur dont l'uvre
n'est pas exempte d'une certaine misogynie. Il n'y a pas,
à proprement parler, d'héroïne dans ses
récits. Que ce soit dans les « Maigret »
ou dans les romans de la destinée, les femmes
tiennent généralement des rôles secondaires
: concierges, prostituées, épouses-ménagères,
témoins d'importance mineure. Ou alors, elles sont
l'élément déclencheur des événements
qui conduisent l'homme - le plus souvent un pauvre bougre
qui n'a pas, lui non plus, l'étoffe d'un héros
et qui ne pouvait agir autrement qu'il ne l'a fait - à
sa déchéance ou à sa perte.
Une seule exception (« Et encore ! » , s'exclameront
certaines) : Madame Maigret, qui n'appartient pas à
l'escadron des mégères envahissantes, angoissées
et castratrices.
Dans les 19 enquêtes publiées chez Fayard,
elle n'apparaît en personne que dans le neuvième
volume (Au
rendez-vous des Terre-Neuvas), puis elle se
manifeste par cartes postales dans le onzième (La
guinguette à deux sous), soigne son mari
blessé dans le seizième (Le
fou de Bergerac) et, enfin, partage sa retraite
à Meung-sur-Loire dans le dix-neuvième (Maigret).
Durant la « période Gallimard » (6 romans
et 21 nouvelles), elle intervient à six reprises,
dont deux fois de manière très active (dans
les nouvelles L'amoureux
de Mme Maigret et Tempête
sur la Manche).
Aux Presses de la Cité, en revanche, Madame Maigret
jouit d'une importance considérablement accrue. Non
seulement elle figure dans le premier volume (Maigret
se fâche), mais en plus, elle n'est totalement
absente (c'est-à-dire même pas citée)
que dans 4 des 53 enquêtes de son mari (deux romans,
Maigret
et la vieille dame et Maigret
au Picratt's ; et deux nouvelles - d'ailleurs
rédigées en 1939 - L'homme
dans la rue et Vente
à la bougie). Dans trois enquêtes,
elle va jusqu'à occuper le devant de la scène
(L'amie
de Mme Maigret, La
première enquête de Maigret (1913),
Les
Mémoires de Maigret).
Cette présence permanente, même minimale (carte
postale envoyée à son mari ou l'inverse, conversation
téléphonique ou simple bonsoir qu'elle lui
adresse lorsqu'il rentre à la maison en fin de volume),
traduit l'importance affective de Madame Maigret et le facteur
d'équilibre qu'elle assure dans la personnalité
de son mari. Elle bénéficie donc, dans l'uvre
de Simenon, d'un statut unique. Si toutes les femmes mises
en scène par l'auteur sont dotées par lui
d'une odeur spécifique, Louise Maigret, elle n'a
pas d'odeur ; et elle est totalement désexualisée.
Par son rôle discret et sécurisant, elle est
pour Maigret autant la mère (ne représente-t-elle
pas le parfait substitut maternel ?) que la compagne.
S'il s'avère incontestable qu'elle soigne l'intendance,
mijote des bons petits plats, accompagne Jules au cinéma
malgré ses pieds enflés, lui tend à
l'occasion écharpe ou pantoufles, ou encore qu'elle
ait tendance à reporter son affection sur son époux,
cela ne l'autorise pas à exercer un ascendant symbolique
sur sa personne. Au contraire, l'une des fonctions essentielles
de Madame Maigret consiste à reconnaître
son mari, surtout dans ses fonctions d'enquêteur.
C'est là l'un des aspect réducteur de son
rôle : elle attend - placide Pénélope
-, comme une bonne petite bourgeoise, le retour de son époux
en fricotant dans sa cuisine. Elle ne pose guère
de questions, mais suit toujours (même de loin) le
déroulement des affaires en cours, intervenant, au
besoin, avec son bon sens provincial (sa famille est originaire
d'Alsace).
Des innombrables couples mis en scène par Simenon,
le seul parfait est celui des Maigret, mis à part
le fait qu'ils ne peuvent pas avoir d'enfants. Ce couple
unique est certainement pour Simenon le couple idéal,
celui auquel il s'est de plus en plus identifié en
vieillissant.
On peut aussi se demander si les rapports de Louise Maigret
avec son mari ne sont pas ceux que l'enfant Georges Simenon
eût rêvé de voir exister entre son père,
qu'il admirait, et sa mère, avec laquelle il a toujours
entretenu des rapports conflictuels.
Enfin, s'agissant des lieux fréquentés par
le commissaire, on notera que la capitale française
est l'un des composants majeurs de l'univers de Maigret.
La géographie parisienne du commissaire suit d'ailleurs
de très près la carte du Paris d'élection
de Simenon, du Pont-Neuf au canal Saint-Martin et de la
Bastille à la Place Clichy. On le voit aussi dans
des petites villes de provinces, Arpajon, Nevers ou Concarneau.
Dans la nouvelle série d'après-guerre, son
champ d'action s'étend du Havre à Porquerolles
et de Lausanne à New York. Comme ses collègues
du quai des Orfèvres et de la rue des Saussaies,
il travaille avec Interpol et il est amené à
collaborer avec des policiers étrangers comme le
charmant M. Pyke de Scotland Yard.
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Ex-libris
de Georges Simenon, réalisé par le graveur
russe Victor Chapil (Fonds Simenon, Liège,
Belgique).
« Comprendre et ne pas juger » : ce médaillon
fixe dans l'histoire littéraire le sens d'une
uvre de romancier à nulle autre pareille.
In Simenon, de Mathieu Rutten
(Nandrin, Eugène Wahle, 1986).
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L'adieu
à Maigret |
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La carrière littéraire de Simenon - en tant
que romancier publié sous son patronyme - s'achève
comme elle avait commencé : par une enquête du
commissaire Maigret.
« Je me sens pris de remords de l'avoir complètement
laissé tomber après mon dernier roman Maigret
et M. Charles. C'est un peu comme si on quittait
un ami sans lui serrer la main. Il se crée, entre
un auteur et ses personnages, des liens affectifs, à
plus forte raison si leur collaboration a duré cinquante
ans
Je lui souhaite une heureuse retraite, comme la
mienne est heureuse. Nous avons assez travaillé ensemble
pour que lui dise un adieu quelque peu ému. »
Simenon in Des
traces de pas, le 2 octobre 1973, à
l'occasion d'une de ses premières dictées
au magnétophone.
Cet adieu (publiée dans le « Nouvel Illustré
» du 26 septembre 1979) ému sera redit par
Simenon dans une lettre
adressée à « M. et Mme Maigret, Retraités,
F - Meung-sur-Loire » à l'occasion du cinquantième
anniversaire de leur rencontre. Il 'agit du dernier
des huit textes que Simenon a consacrés à
son personnage préféré et dans lequel
il martèle, encore une fois, la légende de
sa naissance, telle qu'il l'avait officialisée en
mars 1966 dans ses uvres
complètes, publiées aux Editions
Rencontre (Lausanne) et dirigées par Gilbert Sigaux.
Ils ont incarné le commissaire Maigret au cinéma,
à la télévision ou au théâtre
:
(Entre parenthèses
: pays de réalisation du film ou du téléfilm)
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Kinya
Aikawa
(Japon) |
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Louis
Arbessier
(France) |
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Harry
Baur
(France) |
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Herbert
Berghof
(USA) |
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Romney
Brent
(Mexique) |
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Kees
Brusse
(Pays-Bas) |
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Sergio
Castellitto
(Italie) |
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Gino
Cervi
(Italie) |
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Bruno
Crémer
(France) |
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Rupert
Davies
(Gde-Bretagne) |
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Jean
Gabin
(France) |
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Michael
Gambon
(Gde-Bretagne) |
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Richard
Harris
(Gde-Bretagne) |
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Charles
Laughton
(Gde-Bretagne) |
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Maurice
Manson
(France) |
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Jean
Morel
(France) |
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Henri
Norbert
(Canada) |
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Albert
Préjean
(France) |
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Pierre
Renoir
(France) |
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Jean
Richard
(France) |
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Heinz
Rühmann
(France) |
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Vladimir
Samoilov
(Russie) |
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Michel
Simon
(France) |
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Basil
Sydney
(Gde-Bretagne) |
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Zalozhiki
Strakka
(Russie) |
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Abel
Tarride
(France) |
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Boris
Tenine
(Russie) |
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Jan
Teulings
(Pays-Bas) |
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Eli
Wallach
(USA) |
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Yuri
Yevsyukov
(Ukraine) |
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Liste fournie par
Désiré Roegiest (Association des amis de Simenon)
en décembre 2008.